Hors collection - Droit(s) et Street Art - 70

ART SUBVERSIF ET DROIT D'AUTEUR

imposant - prétendument - la libre communication des œuvres 5. Ce
faisant, le monopole d'exploitation, c'est-à-dire le droit exclusif reconnu
à l'auteur sur sa création, est aujourd'hui contesté. Avec le développement des nouvelles technologies, l'illusion d'accéder aux œuvres de l'esprit
gratuitement et sans autorisation des créateurs a fait son chemin. Or,
d'une certaine manière, le street art s'inscrit dans ce mouvement collectif
et transgressif. Comme cela a été dit précédemment, le street art est « un
art du peuple et pour le peuple »6. Les créations de rue sont tournées vers
le partage et reposent sur une logique communautaire. Généralement,
l'auteur ne demande rien à personne. Il ne revendique pas un monopole,
mais une liberté : celle d'exercer son art sans limites et sans tabous. Dans
la pureté du street art, le créateur exerce son art sans révéler son identité,
sans contrat et sans rémunération.
2. Pourtant, à l'analyse, cette opposition entre droit d'auteur et street
art ne doit pas être exagérée. Il serait en effet caricatural de faire du droit
d'auteur un droit de propriétaires. Le droit d'auteur ne protège pas seulement les intérêts pécuniaires des auteurs. Il réalise aussi, et spécialement
en droit français, une protection extrapatrimoniale grâce au droit moral.
Reconnaître que les créations issues du street art sont des œuvres de l'esprit,
c'est assurer leur protection en tant que création artistique, et non comme
marchandise. Dès lors, le droit d'auteur pourrait contribuer à préserver
l'esprit originaire du street art en permettant de lutter contre sa marchandisation lorsqu'elle n'est pas voulue par l'auteur.
3. Pour y parvenir, le droit d'auteur doit appréhender les créations issues
du street art. Évidemment, et là est le point central, une difficulté apparaît
pour les créations qui sont réalisées sans le consentement du propriétaire du
support. Il est certain en effet que l'illicéité de la création et la transgression
qu'elle implique créent des tensions entre la liberté de création - qui vient
d'être affirmée au fronton de la nouvelle loi du 7 juillet 20167 - et l'ordre
public mais aussi les droits des tiers spécialement ceux du propriétaire
du support, ie du mur, de la voiture, de la boîte aux lettres sur lesquels
« l'œuvre »8 est réalisée.
4. Pour déterminer si le droit d'auteur peut se saisir des créations de
rue et participer à leur protection, il convient de se demander, d'une part,
si l'œuvre de rue est une œuvre de l'esprit ouvrant droit à la protection
5. Sur cette question, v. P.-Y. Gautier, « Le déclin du droit de la propriété intellectuelle »,
Revue de droit d'Assas, fév. 2015, n° 10, p. 156 et s.
6. D. Guével, « La juridicisation du Street Art : hymne de gloire ou requiem ? », supra, n° 8.
7. La loi n° 2016-925 du 7 juill. 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et
au patrimoine, article 1 : « La création artistique est libre ».
8. Le terme est ici employé dans son sens courant, la question de savoir si les créations en
cause sont des œuvres de l'esprit au sens du droit d'auteur étant traitée ensuite.

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