Hors collection - Droit(s) et Street Art - 73

NATHALIE BLANC

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de carreaux de piscine, le tribunal de grande instance de Paris19, pour
admettre l'originalité de ces créations, a notamment pris en compte « la
nature des supports urbains : carreaux scellés dans un mur » et « le choix de
l'emplacement de l'œuvre : dans la rue ». Le contexte dans lequel l'œuvre
prend place et donc la façon dont elle est mise en forme sont essentiels.
Pour achever l'examen de la condition de concrétisation, il faut souligner
que le caractère éphémère d'une création n'est pas un obstacle à sa protection. Si l'œuvre doit prendre une forme tangible, perceptible aux sens, la
forme n'a pas à être intangible, pérenne. Ainsi, les œuvres éphémères sont
protégées20. Pour ne prendre qu'un exemple célèbre, l'empaquetage du
Pont Neuf pendant quinze jours par Christo constitue une œuvre protégée
alors même que la création n'a pas été durable21. Dans le même sens, il
importe peu que l'œuvre puisse être modifiée par d'autres artistes22. Dans
le street art, il est en effet fréquent que les créations se cumulent ou se
superposent. Enfin, le fait que l'œuvre soit soumise à l'usure du temps et
aux intempéries n'est pas davantage un obstacle à sa protection.
9. Pour le reste, le législateur exclut la prise en compte de certains
éléments. Selon l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle,
toutes les œuvres de l'esprit sont protégées « quels qu'en soient le genre,
la forme d'expression, le mérite23 ou la destination24 ». C'est dire que
toutes les œuvres sont protégées quelles que soient leurs catégories, qu'elles
relèvent ou non de l'énumération légale, quelle que soit la manière dont
elles sont communiquées au public, quelle que soit leur valeur esthétique et
quelle que soit la finalité - commerciale, industrielle, publicitaire, altruiste -
recherchée par l'auteur. Dès lors, on le voit, rien ne s'oppose, jusqu'ici, à
ce que les créations de l'art de rue soient qualifiées d'œuvres de l'esprit
au sens du droit d'auteur. Demeure évidemment, et le meilleur a été gardé
pour la fin, la question cruciale de la licéité.
10. La question est simple : pour être protégée une création doit-elle
être licite ? Les textes du droit d'auteur demeurent parfaitement silencieux sur ce point et la jurisprudence ne tranche pas clairement la question.
Pour affirmer que la licéité est une condition de la protection, est citée
une décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation le
19. TGI Paris, 14 nov. 2007.
20. Parmi ces œuvres éphémères, on peut citer des sculptures en chocolat (TGI Laval,
16 fév. 2009, Propr. intell. 2009, p. 260, obs. J.-M. Bruguière) ou encore les compositions
florales (CA Paris, 10 avr. 1995) ou les sculptures en glace.
21. CA Paris, 13 mars 1986, Gaz. Pal. 1986, p. 239 ; D. 1987, IR 150, obs. C. Colombet.
22. En ce sens, pour les créations numériques, v. A. Lucas, H.-J. Lucas et A. LucasSchloetter, op. cit., n° 70.
23. Le juge ne peut pas porter de jugement de valeur sur la création, délicat en réalité...
24. Finalité de la création : commerciale, publicitaire, utilitaire... peu importe.
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