Hors collection - Droit(s) et Street Art - 78

ART SUBVERSIF ET DROIT D'AUTEUR

sur des immeubles, la question ne se pose pas puisque l'œuvre est, a priori,
à la vue de tous. Pour les œuvres réalisées sur des meubles, la question est
plus complexe tant il semble difficile de contraindre le propriétaire d'un
bien meuble corporel sur lequel une œuvre a été réalisée sans autorisation
à mettre ce bien à la disposition de l'auteur.
19. S'agissant du droit moral, il est composé de quatre attributs. Le
droit de divulgation est le droit de décider de la première communication
de l'œuvre au public. Il n'est pas en cause pour les œuvres de street art
puisque, par définition, ces œuvres créées dans la rue sont à la vue de tous.
Le droit de retrait ou de repentir permet à l'auteur de retirer l'œuvre du
circuit commercial. Il n'est pas davantage utile puisque les œuvres de street
art ne sont pas dans le circuit commercial38. Le droit à la paternité a déjà
été envisagé : il est le droit, pour l'auteur, de se faire connaître comme tel ou
au contraire de dissimuler sa qualité39. Le droit au respect enfin présente
un double aspect : il assure le respect de l'intégrité mais aussi de l'esprit
de l'œuvre40. C'est cet attribut du droit moral qui entre frontalement en
conflit avec le droit du propriétaire du support de remettre en état son bien,
dégradé, détérioré du fait de l'apposition d'une œuvre sans son autorisation.
Deux difficultés pratiques doivent être évoquées.
20. Le propriétaire du support peut-il détruire l'œuvre, la supprimer ?
Une réponse positive semble devoir s'imposer. Le propriétaire du support,
qui n'a pas donné son autorisation, peut choisir de détruire l'œuvre.
Toutefois, les juges disposent de moyens pour préserver les œuvres de rue.
Dans la décision précitée du 13 octobre 2000, le tribunal de grande instance
de Paris a protégé la mosaïque réalisée par des squatteurs sur les murs et
le sol de l'immeuble occupé sans autorisation en limitant temporairement
les prérogatives du propriétaire41. Ce dernier ne pouvait détruire l'œuvre
qu'à l'issue d'un délai de deux mois, ceci afin de permettre aux créateurs de
retirer leur création, à charge pour eux de remettre l'immeuble en l'état42.
21. S'il ne la supprime pas, le propriétaire de l'immeuble peut-il ensuite
commercialiser l'œuvre réalisée sur son bien sans son autorisation ? La
op. cit. n° 269. La jurisprudence également : v. les arrêts cités par A. Lucas, H.-J. Lucas et
A. Lucas-Schloetter, op. cit., n° 248.
38. Si elles le sont, par décision de l'auteur, on sort de l'hypothèse envisagée, à savoir celle
d'une œuvre réalisée dans la rue sans droit sur le bien d'autrui.
39. Sur ce point, v. supra, n° 15.
40. Sur cette double dimension du droit au respect, v. not. A. Lucas, H.-J. Lucas,
A. Lucas-Schloetter, op. cit., n° 545 et 546.
41. Sur ce point, v. supra, n° 12.
42. Cependant, dans une affaire concernant une peinture effectuée sur les murs d'une
caserne, les magistrats ont considéré que la destruction de l'œuvre pouvait être réalisée si
elle était « indispensable pour respecter des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité
publique. » (CE, 15 oct. 2014, n° 353168).

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