Hors collection - Droit(s) et Street Art - 89

NOÉ WAGENER

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la décision d'accrocher la banderole en question, et ce au nom, précisément, du « principe de neutralité des services publics (...) qui s'oppose à
l'apposition sur les édifices publics de signes symbolisant la revendication
d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques », ainsi qu'en raison
de l'absence d'intérêt public local quant à « une affaire relevant de la politique étrangère de la France »17.
À une occasion au moins, une œuvre de street art s'est trouvée aux prises
avec cette jurisprudence. L'affaire concerne une commune du Sud-Ouest,
Billère (Pyrénées-Atlantiques), dont le maire avait autorisé puis officiellement inauguré « un ensemble de graffitis qualifié de fresque » - pour
reprendre l'expression amusante qu'emploie la cour administrative d'appel
de Bordeaux - exécuté sur le mur de la salle des fêtes municipale. Cette
fresque dite « des expulsés » entendait traiter du thème de l'accueil des
étrangers en France, et pour cela mobilisait une iconographie certes peu
originale, mais somme toute assez mesurée : deux grandes mains liées en
signe de solidarité, autour desquelles étaient inscrits divers mots-clés, la
devise de la République d'abord, « liberté, égalité, fraternité », mais aussi
« justice », « terre d'accueil », « expulsés » ou encore « enfants », ainsi que, de
façon sans doute un peu plus polémique, les mots « honte », « arbitraire »
ou « précarité ».
Le préfet défère au tribunal administratif de Pau la décision du maire de
faire exécuter cette fresque, qui l'annule, avant qu'appel ne soit interjeté
devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Par un intéressant arrêt
du 26 octobre 201018, cette dernière constate alors, outre l'incompétence
du maire pour prendre une telle décision relevant du conseil municipal,
l'absence de tout intérêt local à la question de l'admission des étrangers sur
le territoire national. Il pointe surtout l'atteinte au principe de neutralité du
service public, dans la mesure où, d'après lui, ces graffitis « expriment une
critique explicite de l'application de la législation sur l'entrée et le séjour
des étrangers en France », et révèlent, par suite, que le maire a entendu
« prendre parti dans un conflit de nature politique » en méconnaissance du
principe de neutralité auquel il se trouve pourtant astreint. La condamnation de la commune à effacer la fresque litigieuse est donc prononcée. Le
droit au respect de l'œuvre que s'empresse d'opposer la commune ne pèse
pas bien lourd dans la balance, le juge considérant qu'un tel principe ne
saurait « faire obstacle à l'effacement d'un ensemble de graffitis (...) dès
17. TA Montreuil, 28 juin 2016, n° 1601455, Préfet de la Seine-Saint-Denis. Dans cette
affaire, le juge administratif rejette néanmoins les conclusions du préfet pour tardiveté. Il est
à noter, tout de même, que le juge des référés avait quelques semaines auparavant suspendu
la décision du maire et ordonné le retrait de la banderole, en prenant appui sur les mêmes
arguments de la préfecture que ceux avancés lors du jugement au fond.
18. CAA Bordeaux, 26 oct. 2010, n° 10BX00170, Commune de Billère.
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