Droit des affaires - Assurance-vie, propriété et gestion d'actifs - 1re - 51

LA PRATIQUE : ENTRE LE POUVOIR ET LA PROPRIÉTÉ 51

d'appartenance. Propres au sujet, elles sont sa propriété et, de ce droit, tel
qu'il a été défini contractuellement, il devrait pouvoir en jouir pleinement
et de la manière la plus absolue12. Si ce réalisme économique semble avoir
intégré parfaitement la substance du droit anglo-saxon, lequel, notamment
en matière immobilière, consacre la notion de propriété, non par le droit
réel et direct sur la chose, mais par la nature des droits que détiennent
entre eux les individus (cf. la notion d'estate) sur la chose. L'estate représente
l'étendue du droit de saisine (droit de posséder) dont est investi son titulaire. L'essence de l'estate est de définir la durée du droit sur l'immeuble.
On peut dire que c'est l'estate qui est l'objet de la propriété13. Dans la théorie anglo-américaine de la propriété, la notion d'ownership, qui est la notion
la plus proche du concept de propriété en droit civil, n'a pas une importance telle que celle attachée à la propriété dans les pays inspirés par le
système de la vindicatio du droit romain. Une plus grande importance est
attachée au title, qui représente le droit de posséder la chose14.
Les pistes se brouillent un peu plus encore à l'aune du droit fiscal, puisque
la propriété fiscale et la propriété juridique se dédoublent et que « la valeur
représentée par le bien objet de propriété juridique migre dans le patrimoine fiscal du propriétaire économique »15.
En tant qu'heureux créancier, propriétaire économique, le souscripteur
voit notamment la valeur annuelle des unités de compte de son contrat
entrer dans l'assiette de l'impôt sur la fortune, alors même que son absence
de propriété juridique lui permettra de jouir d'une imposition spécifique et
indépendante de la nature de ces unités de compte (et donc, de la distribution de dividendes, du paiement d'intérêts et de plus-values de cession de
valeurs mobilières) au moment des rachats sur le contrat d'assurance16 !

§ 2. Frontière entre l'arbitrage et la gestion
Propriétaire juridique et propriétaire économique exercent donc des prérogatives concurrentes sur la chose. La ligne de démarcation entre elles est
fragile, de même que la limite entre l'arbitrage et la gestion. Si le souscripteur s'immisce dans la gestion des actifs du contrat d'assurance, c'est pour
garantir son efficacité. L'assureur doit lui permettre, dans un univers
12. Serge GINOSSAR, Droit réel, propriété et créance, Paris, LGDJ, 1960 ; voir également « Pour une
meilleure définition du droit réel et du droit personnel », RTD civ. 1962, p. 573 et s.
13. Julien PERRIN, « Le trust à l'épreuve du droit successoral », Librairie Droz, 2006, p. 39.
14. F.H. LAWSON, Bernard RUDDEN, The Law of Property, Oxford University Press, 1982, p. 44-45.
15. Gauthier BLANLUET, Essai sur la notion de propriété économique en droit privé français - Recherches au
confluent du droit fiscal et du droit civil, thèse, LGDJ, 1999, nº 386.
16. Cf. imposition des rachats de contrats en unités de compte. Voir Mémento pratique - Patrimoine
2015/2016, Éditions Francis Lefebvre, nº 28700, p. 1204.

Table des matières de la publication Droit des affaires - Assurance-vie, propriété et gestion d'actifs - 1re