Contextes - Littératures populaires du droit - 112

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LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

vrais intérêts pourront apprécier la justice de leurs prétentions avant de
les soumettre à la décision des tribunaux. L'entêtement qui naît de l'ignorance des lois a souvent précipité des familles dans la ruine par des procès
injustement entrepris. Il sera facile de se garantir de ces erreurs funestes en
combinant par le moyen du même ouvrage, la force de la défense de son
adversaire avec celle de l'attaque, afin de ne pas engager celle-ci avec trop
de légèreté, comme cela arrive si fréquemment »19. « Sapere aude ! » : pour
peu qu'ils s'arment de raison et de bonne volonté, les néophytes peuvent
désormais se passer de conseils, quitter la « minorité » (Unmündigkeit)
des justiciables passifs et ignorants qui, trop souvent, font les affaires de
jurisconsultes peu scrupuleux, au détriment du Droit et du sentiment de
Justice. La véritable « encyclopédie juridique » que forment les soixantequatre volumes du Répertoire de Guyot offre ainsi à tous les hommes de
raison un regard aussi complet que possible sur le droit, sur ses mots, sur
ses principes et sur leur mise en pratique, dans un ordonnancement alphabétique et par matières qui en facilite l'accès20.
De Ferrière et Guyot ont donc essayé, à travers le genre lexicographique,
de rendre le droit facile d'accès grâce à sa mise en ordre alphabétique,
et facile à comprendre grâce à de remarquables efforts de synthèse et de
rationalisation d'un « Droit français » encore fondamentalement et structurellement hétéroclite. Même si leurs œuvres ne s'adressent en vérité aux
profanes qu'à la marge, et que ces collections ont certainement davantage
trouvé place dans les bibliothèques des juristes que dans celle des étrangers à la jurisprudence21, elles ont toutefois eu l'ambition de délivrer au
lectorat le plus large possible les clés du droit à travers son propre alphabet.
Cette approche leur confère ainsi une indéniable « coloration » encyclopédique. La comparaison avec l'Encyclopédie de Diderot viendra d'ailleurs
tout naturellement aux contemporains : comme nombre de juristes de son
époque, l'avocat et arrêtiste Simon-Pierre Mars22 considèrera le Répertoire
19. J.-N. Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence..., op. cit., Discours
préliminaire, t. 1, pp. XIII-XIV.
20. « On a tâché de donner sur chaque objet des explications claires & précises : on
a cherché dans la discussion des matières, à développer l'esprit des ordonnances qui y ont
rapport ; on a appliqué aux questions qui naissent de chaque sujet les arrêts des cours et
les autorités des jurisconsultes que leur sagesse, leurs lumières & leurs écrits ont rendu
célèbres », id., p. XIV.
21. Il ne s'agit toutefois là que d'une raisonnable supposition. L'étude statistique et
à grande échelle des fonds de bibliothèque de juristes, de bibliothèques publiques, d'institutions juridictionnelles ou d'institutions d'enseignement manque encore pour connaître
avec certitude le public et l'usage de cette littérature.
22. Sur Simon-Pierre Mars (1724-1811), fondateur méconnu du premier véritable hebdomadaire juridique (la Gazette des Tribunaux, contenant les nouvelles des tribunaux, la
notice des causes, mémoires et plaidoyers intéressants, de langue, de droit, de jurisprudence
et de tout ce qui peut avoir quelque rapport à la magistrature, à l'éloquence et au barreau,

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