Contextes - Littératures populaires du droit - 158

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LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

intérêts (n° 2). Dans les publications les plus tardives (alors que seuls les
gros dossiers restent en cours d'instruction), les guides visent plus nettement les gros indemnitaires (n° 15, 16, 1712). Derrière la figure unitaire du
sinistré, certains guides opèrent une segmentation selon une opposition
entre petits et gros indemnitaires.
Significativement, beaucoup de guides s'adressent non pas au sinistré
en tant qu'individu, mais en tant que membre d'un groupe qui doit s'organiser. Ils visent à faciliter la collaboration entre sinistrés, en créant des
mécanismes de solidarité (les gains du guide n° 1 doivent être reversés aux
sinistrés) et en défendant l'organisation locale des victimes (constitution
de comités locaux des dommages de guerre pour le guide n° 2 ; incitation
à adhérer à des associations coopératives, n° 7 et 8), voire leur mobilisation
collective (n° 14).
D'autres textes, à l'inverse, sont destinés au praticien du droit, notamment à ceux chargés, dans les tribunaux ou l'administration, d'appliquer
cette législation (n° 9 : présence de modèles d'arrêtés pour former les
commissions cantonales et les tribunaux de dommages de guerre ; n° 11,
p 5, visant « tous ceux qui sont appelés par leurs fonctions à statuer sur les
questions très délicates que soulève l'étude de chaque dossier de réclamation » ; n° 13 et 16).
Le destinataire est donc, selon les guides, un juriste ou un profane ; mais
il n'est que rarement un individu isolé et se manifeste au contraire comme
membre d'un groupe social ou d'une association, comme acteur collectif.
2. Sur le second point, le caractère « juridique » est marqué ou refusé
selon que le destinataire attendu est un spécialiste du droit ou au contraire
un profane. Le texte revêt-il la forme des écrits juridiques ou cherche-t-il
à « faciliter » la compréhension du lecteur ? Aucune de ces publications
ne s'inscrit dans les réseaux savants, ni par ses auteurs (souvent praticiens, cf. infra, II, C), ni par l'éditeur (les éditeurs juridiques en lien
avec le monde savant et universitaire sont absents, sauf deux ouvrages
parus chez A. rousseau et Giard & Brière, n° 3 et 10). Mais derrière
un titre identique ou semblable, la gamme des guides est variée. Leur
point commun est d'exclure la discussion théorique ou doctrinale.
L'ouvrage de Charrier s'oppose ainsi à un « volumineux ouvrage de
droit théorique » (n° 5) ; il s'agit de fournir un « guide pratique, clair et
précis ». Le guide est du côté de la simplicité, de la vulgarisation. Même
12. Ces guides concernent respectivement ceux qui veulent tirer parti de leurs titres de
créance, ceux qui sont concernés par la procédure de préconciliation et la révision des
indemnités (obligation selon la loi du 2 mai 1924 pour les grosses indemnités) ou qui veulent
bénéficier de prestations en nature s'imputant sur leurs indemnités de dommages, ce qui
correspond avant tout à des sinistrés ayant une activité économique importante.

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