Contextes - Littératures populaires du droit - 175

LeS « GuIDeS Du SINISTrÉ » (1915-ANNÉeS 1920)

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et au remploi des avances et acomptes [...] »43. Développées en pratique,
ces coopératives se voient intégrées à la législation sur les dommages. Les
guides permettent ainsi de manifester l'attitude collaborative des sinistrés
vis-à-vis de l'administration, mais aussi le souci des sinistrés de s'organiser
pour éviter le face-à-face entre l'administré isolé et l'administration.

B. Une position conflictuelle
La relation irénique est parfois contestée au profit d'une vision conflictuelle du rapport entre administration et sinistré. C'est le cas du Guide de
l'agriculteur sinistré devant les commissions cantonales (n° 14) publié par
l'union des syndicats agricoles de l'Aisne en 1921.
Plus qu'un guide, il s'agit d'une brochure luttant contre l'interprétation de la loi de 1919 par l'administration ; le texte n'est pas un relais
de l'action administrative. Les textes administratifs sont vus comme un
ennemi, qui pervertit la juste interprétation de la loi de 1919. Le texte
défend une interprétation de la loi moins restrictive que celle adoptée par
l'administration ; il s'agit en particulier d'élargir la notion de « dommage
direct » en matière de dommages agricoles, alors que plusieurs agriculteurs
se retrouvent exclus des réparations44. Les agriculteurs doivent maîtriser
cette interprétation plus favorable et la défendre face à l'administration.
L'objectif est double : lutter contre la représentation du sinistré comme
fraudeur, alors que l'agriculteur apparaît ici doublement victime, non
seulement de la guerre, mais aussi de l'administration, qui l'accuse d'inclure des dommages non couverts par la législation ; fournir des outils de
lutte catégorielle et collective, dans une logique conflictuelle (la brochure
n'a de sens que si les sinistrés se saisissent de l'interprétation proposée
contre l'administration), en écartant la peur que certains sinistrés peuvent
éprouver à l'idée d'être confrontés à la lourde machinerie indemnitaire
(n° 14, p. 4). Les sinistrés sont incités à se faire assister par un membre
du syndicat lors de la phase de conciliation avec le représentant de l'État.
Ce texte est plus un tract politique qu'un guide pratique pour les sinistrés, puisque, précisément, toute idée de guider le sinistré pour faciliter le
travail administratif est rejetée. On en appelle au retour à la loi et à l'appréciation individuelle des cas, à l'inverse de la logique de rationalisation
administrative des guides se rattachant aux « écritures grises », qui envisage
préalablement une série de situations possibles rentrant dans le cadre des

43. Article premier, loi du 18 août 1920, JORF, p. 12127-12128.
44. Sur cette question, A. Mestre, La Théorie du dommage direct. Son application aux
dommages de guerre en matière agricole, préf. F. Larnaude, Paris, Sirey, 1927.

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