Contextes - Littératures populaires du droit - 28

22

LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

D'autres ouvrages, plus cyniques, poussent l'analyse plus loin : le
néophyte, non initié au droit, n'est pas toujours à même de comprendre
un avocat ou un juge. « Combien de plaideurs entendent un jugement sans
savoir au juste s'ils ont gagné ou perdu leur procès ? »71, s'interroge un
auteur. Plus nuancés, certains ouvrages expliquent à leurs lecteurs que l'on
ne saurait se passer, en cas de difficulté, des conseils avisés d'un juriste de
profession : une telle littérature n'est pas, dans ce cas, présentée comme
un moyen de se substituer aux avocats et autres notaires, mais comme un
moyen de s'instruire en amont, pour mieux présenter son cas à son avocat72.
et pour cause : l'argument tendant à se défier des hommes de loi apparaît
quelque peu spécieux, l'écrasante majorité des auteurs étant eux-mêmes
d'anciens praticiens du droit.

3. Juristes et non juristes : les auteurs de la littérature populaire
du droit
La grande majorité de nos auteurs sont des praticiens du droit, essentiellement des avocats (55 %), mais aussi des avoués, des notaires, des magistrats,
des greffiers ou encore des huissiers. excipant souvent de leur qualité de
praticiens pour faire valoir le fait qu'ils connaissent le droit pratique ou
usuel, ils accusent une forte tendance à se placer dans une position d'opposition à la doctrine juridique « classique », déclarant ne pas faire œuvre de
science, mais de vulgarisation73. Second constat : les professeurs de droit
sont peu nombreux à se livrer à de telles entreprises. Si le professeur de
droit et avocat rené Foignet74 écrit, souvent avec le concours de Julien
Bon Conseiller en affaires, ou Manuel de législation pratique..., op. cit., p. 5 ; « Préface »,
in L.-Ch.  Bonne, Législation française élémentaire et pratique..., op.  cit., p. V ;
J.-B. Chairgrasse, Manuel pratique de législation populaire..., op. cit. ; « Introduction »,
in G. Delahaye, Traité usuel à l'usage de tous pour la vulgarisation des lois..., op. cit., non
paginée ; « Avis de l'éditeur », in G. d'Hailly et e. Quétand (dir.), Les lois à la portée de
tout le monde..., op. cit., p. I ; « Préface », in r. Lajoye, Chasse à tir, chasse à courre...,
op. cit., p. 1-2 ; « Préface », in e. Gavard, Conseiller en affaires. Le Bréviaire du droit usuel
indispensable à tous pour gérer ses affaires soit en matière civile, soit en matière commerciale,
Paris, Société française, 1909, p. 5.
71. « Préface », in A.-A. Moullart, Le droit usuel : traité élémentaire..., op. cit., p. 6.
72. L.-Ch.  Bonne, Législation française élémentaire et pratique..., op.  cit., p. VII
(« contrairement à l'avis de certains auteurs de manuels et de guides pratiques qui croient
devoir inspirer à leurs lecteurs une sainte horreur des avocats, des notaires et des huissiers,
nous pensons que l'argent le mieux placé est celui que l'on consacre à payer une consultation
à la veille d'une difficulté ») et La rédaction, « Notre but », Le plaideur. Journal de droit
pratique pour tous, paraissant tous les dimanches, n° 1, 1894, p. 1. L.-Ch. Bonne récuse
au passage le terme de « vulgarisation », défendant l'irréductibilité de la science du droit.
73. Nous y reviendrons, infra.
74. Ce dernier (1864-vers 1927) semble s'être spécialisé dans l'écriture d'ouvrages didactiques d'introduction à différentes branches du droit, pour les élèves des écoles primaires
Contextes - Littératures populaires du droit

Table des matières de la publication Contextes - Littératures populaires du droit
