Précis Domat - Droit des élections et des référendums politiques - 1re - 61

LES SOURCES THÉORIQUES

que le mandat ne peut être impératif, que le corps électoral peut être limité, la représentation proportionnelle devant être évitée46. C'est néanmoins la théorisation opérée par Carré de Malberg qui eut le plus grand retentissement, au point de faire
l'objet d'une consécration par les constitutions de la IVe et de la Ve Républiques
et de rester aujourd'hui au cœur de tous les manuels de droit constitutionnel. Sans
doute davantage qu'il ne l'a inventée, il a su présenter de façon claire la distinction
théorique entre la souveraineté nationale et la souveraineté populaire en accompagnant chaque forme d'un régime juridique précis, contrastant avec les auteurs de
son époque comme Duguit ou Hauriou, dont les œuvres étaient plus
philosophiques47.
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La distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire et la
théorie du régime représentatif chez Carré de Malberg. Dans sa contribution à
la théorie générale de l'État, Carré de Malberg défend la thèse de la souveraineté
nationale, discutée par la doctrine de l'époque, dans des termes nouveaux. Il considère que la doctrine la plus répandue de la Souveraineté de l'État est celle de la
« souveraineté du peuple », dérivant de la philosophie de Rousseau, impliquant la
démocratie directe et majoritaire. Il l'oppose à la théorie de la souveraineté nationale, consacrée selon lui par la Constitution de 1791 puis s'étant imposée sans
contestation en France depuis 1830, seules la Constitution de 1793 et la Charte de
1814 faisant exception pour des raisons différentes. Dans cette hypothèse, la souveraineté appartient à la Nation, qui est une entité abstraite, et l'État se confond
avec elle. Cela permet de consacrer le « régime représentatif », alors que le principe
de la souveraineté populaire ne l'autorise pas en théorie, ce que le droit constitutionnel français confirmerait : le député représente la Nation et non son électorat, il
n'est pas révocable et il ne doit pas rendre de compte à ses électeurs, le mandat
impératif est proscrit. Le droit de suffrage n'est pas un véritable droit mais une
simple fonction constitutionnelle, pouvant être limitée. L'élection ne s'analyse
qu'en un procédé de désignation et les députés détiennent le pouvoir de vouloir
pour la Nation en vertu des compétences que la Constitution leur reconnaît48. L'auteur concède toutefois que les institutions de la IIIe République n'instituent pas un
régime représentatif pur mais un « gouvernement semi-représentatif », selon la terminologie d'Esmein, en raison de l'influence croissante du peuple liée au suffrage
universel, de la représentation proportionnelle (qu'un régime véritablement représentatif exclurait au profit du système majoritaire), du développement du régime
parlementaire ou de la dissolution49.

Limite historique de la théorie de Carré de Malberg. L'un des problèmes
posés par l'œuvre de Carré de Malberg est son enracinement excessif mais peu
assumé dans les institutions de la IIIe République : comme l'avait relevé René Capitant, sa théorie fut surtout une théorisation de la IIIe République par l'intermédiaire

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46. A. ESMEIN, Éléments de droit constitutionnel, Librairie de la société du recueil général des lois et
des arrêts, 1896, 1re éd., p. 168 et s.
47. E. MAULIN, La théorie de l'État de Carré de Malberg, PUF, 2003, p. 1 ; G. BACOT, op. cit. p. 163.
48. R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 149-197.
49. Ibid., p. 361-386.

Première partie : Les sources du droit des élections et des référendums politiques

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