Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 106

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LA RÉPRESSION DE L'APOLOGIE

provoquer, la souhaiter ou la justifier après coup. L'amalgame est vite fait
entre, d'une part, la répression ou la prévention de la violence et, d'autre
part, la censure des idées qui dérangent38. La Cour tente d'osciller entre
les deux. Par exemple, elle a désavoué la France à propos d'une publicité
sanctionnée pour apologie de crimes ou délits de collaboration39 mais dans
l'arrêt Leroy elle admet que l'article 10 n'a pas été violé en condamnant le
requérant à une amende modérée40.
La Cour EDH est très exigeante s'agissant de l'appréciation portée sur
la dangerosité des messages diffusés. Elle requiert que les propos « créent
un danger », restriction que ne connaît pas le droit interne. L'absence de
discours de haine écarte toute justification à l'intervention de l'État. Des
articles, des ouvrages, des propos qui n'incitent ni à l'usage de la violence
ni à la résistance armée ni au soulèvement relèvent de la liberté d'expression et ne sont pas susceptibles d'être interdits41. Mais la Cour réprouve
les discours qui incitent à la haine et à l'usage de la violence. Les messages
pouvant être qualifiés de discours de haine, d'apologie de la violence ou
d'incitation à la violence, ne sauraient passer pour compatibles avec l'esprit
de tolérance et vont à l'encontre des valeurs fondamentales de justice et de
paix qu'exprime le préambule à la Convention42. L'élément déterminant
pour elle est de savoir si on est en présence d'un discours de haine. L'appel
à la violence fait la différence entre l'interdit et l'admissible. Le recours à
la violence est difficilement excusable43. Lorsque les propos encouragent
l'usage de la violence à l'égard d'un individu, d'un représentant de l'État
ou d'une partie de la population, les autorités nationales jouissent d'une
marge d'appréciation plus large44. Dans la mesure où un discours risque de
compromettre la paix civile dans un pays, une condamnation peut raisonnablement être considérée comme répondant à un « besoin social impérieux ».
Les motifs avancés par les autorités pour justifier la condamnation de
l'intéressé sont alors « pertinents et suffisants ». Les idées et informations
excessives comme la provocation à la discrimination, à la haine ou à la
violence ou le négationnisme sont prohibées45. C'est à tort que, dans l'affaire Garaudy, le requérant contestait l'interprétation de l'histoire que,
selon lui, la jurisprudence française voulait imposer en criminalisant toute
38. Par ex. CEDH, 14 juin 2007, 3e sect., Saygili et Seyman c/ Turquie, req. no 62677/00.
39. CEDH, 23 septembre 1998, Lehideux et Isorni c. France, op. cit.
40. CEDH, 2 octobre 2008, op. cit.
41. Not. CEDH, 8 juillet 1999, Sürek c/ Turquie (n 1), req. n ° 26682/95. Jurisprudence
constante, par exemple CEDH 17 juillet 2001, Ass. Ekin c/ France, req. no 39288/98.
42. CEDH, 24 juin 2003, Garaudy c/ France, op. cit.
43. CEDH, 20 septembre 2007, Tapkan et autres c/ Turquie, req. n° 66400/01 ;
22 mars 2007, Kaya c/ Turquie, req. n° 6250/02.
44. CEDH, 8 juillet 1999, Ceylan c/ Turquie, req. n° 23556/94.
45. CEDH, 10 juill. 2008, Soulas et autres c/ France, req. n° 15948/03.
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