Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 123

LYN FRANçOIS

119

vieilles turpitudes5. On peut y voir déjà les prémisses du droit à l'oubli.
Cependant, cette interdiction de preuve constituait un véritable handicap
en matière de preuve de faits historiques que les juridictions internes
avaient surmonté en reconnaissant à l'historien le bénéfice de la bonne
foi. Un jugement du tribunal de grande instance de Paris statuant dans
une des affaires Faurisson invita même le législateur à réécrire l'article 35
de la loi de 1881 en affirmant que l'interdiction de preuve (lorsque les
faits remontent à plus de dix ans) n'est pas nécessaire dans une société
démocratique « lorsque l'imputation débattue porte sur des événements,
qui s'inscrivant dans l'histoire [...] conservent donc malgré les années
un intérêt majeur [...] suscitant des études et des recherches de nature
à permettre le recueil de données nouvelles susceptibles d'en offrir une
meilleure compréhension »6. Mais l'exclusion de l'exception de vérité dans
les deux cas concernés a été abrogée suite, respectivement, à la décision du
Conseil constitutionnel du 20 mai 20117 et à celle du 7 juin 20138 déclarant contraires à la Constitution le cinquième alinéa et le paragraphe c)
de l'article 35 de la loi de 1881. Il reste l'exclusion de l'exceptio veritatis
lorsque les faits relèvent de la vie privée. A priori, une telle exclusion
est parfaitement légitime compte tenu de la protection conventionnelle
dont bénéficie la vie privée. Cependant, la Cour européenne des droits
de l'homme reconnaît qu'en présence du critère déterminant de débat
d'intérêt général, la liberté d'expression peut l'emporter sur la protection
de la vie privée. Ainsi, ce critère justifie la publication relevant de la vie
privée d'autrui et par conséquent le droit du journaliste de se prévaloir de
l'exceptio veritatis pour s'exonérer de sa responsabilité pénale. Dans ces
conditions, une réécriture du paragraphe a) de l'article 35 serait souhaitable afin de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne
qui semble avoir inspiré le législateur en matière d'offre de preuve de
l'exceptio veritatis.

B. La procédure d'offre de preuve de l'exceptio veritatis
La principale difficulté soulevée par la preuve de l'exceptio veritatis
est celle de savoir si des documents couverts par le secret professionnel
ou de l'instruction peuvent être fournis au titre de preuve de la diffamation. C'est le « délit du recel » que la Cour européenne des droits de
l'homme a toujours cherché à conjurer au nom de la protection des sources
5. BLin H., Chavanne A., Drago R., Traité du droit de la presse, 1969, p. 228.
6. TGI Paris, 21 mai 2007, Légipresse 2007, III, 227, note François L.
7. Cons. Const., QPC, 20 mai 2011, n° 2011-131.
8. Cons. Const., QPC, 7 juin 2013, n° 2013-319.

Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ?

Table des matières de la publication Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ?