Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 124

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QUELS FAITS JUSTIFICATIFS POUR LA DIFFAMATION ?

journalistiques9. Ainsi, dans l'arrêt Fressoz et Roire du 21 janvier 199910
relatif à la condamnation de journalistes pour recel de violation de secret
fiscal, la Cour européenne estima que « le délit de recel constitue une ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression » et qu'en l'espèce, une telle
ingérence, « n'était pas nécessaire dans une société démocratique ». Bien que
l'arrêt Fressoz et Roire ait examiné la question du délit de recel seulement
au regard de l'article 10 de la convention, on a pu néanmoins déduire que
le recel constitue une atteinte aux droits de la défense (article 6) du journaliste poursuivi dans la mesure où il l'empêche de faire la preuve de la vérité
de la diffamation constatée dans un document secret ou confidentiel. En
réalité, cet arrêt a permis de créer une véritable immunité pénale au profit
du journaliste qui semble s'étendre de la recherche de l'information avec
la possibilité de taire ses sources jusqu'à la liberté de produire, en guise
de preuve, tout document sans qu'il soit poursuivi pour recel de violation
du secret de l'instruction. La chambre criminelle avait, quant à elle, rejeté
cette jurisprudence libérale. En effet, dans un arrêt du 19 juin 200111, la
chambre criminelle approuva les juges du fond qui avait condamné des
journalistes pour recel de violation du secret de l'instruction au motif que
« quel que soit le cheminement des pièces litigieuses, celles-ci n'ont pu
parvenir entre les mains des prévenus qu'à l'aide d'une infraction ». En
d'autres termes, les journalistes ne pouvaient ignorer la provenance délictuelle des documents publiés puisqu'aucun élément n'accréditait la thèse
d'une divulgation accidentelle.
Cependant, cette résistance fut de courte durée tant et si bien que les
décisions ultérieures de la chambre criminelle s'efforcèrent de respecter
les exigences européennes. Ainsi, dans un arrêt du 11 février 200312, la
chambre criminelle abandonna sa jurisprudence antérieure en cassant
un arrêt d'appel au motif qu'il avait omis de « rechercher si, en l'espèce,
la production en justice de pièces litigieuses [...] n'avait pas été rendue
nécessaire par l'exercice des droits de la défense ». Dans d'autres arrêts, la
chambre criminelle affirma que « le droit à un procès équitable et la liberté
d'expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation
soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces d'une
information en cours, de nature à établir sa bonne foi et la vérité des faits
diffamatoires ». La loi du 4 janvier 2010 relative à la protection des sources
9. Pour une étude sur cette question, François L., « Preuve de la vérité des faits diffamatoires et Convention européenne des droits de l'Homme : confrontation des conceptions
française et européenne », D. 2005, p. 1388.
10. CEDH, 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c/ France, D. 1999, Somm. p. 272.
11. Cass. crim., 19 juin 2001, D. 2001, Jur. p. 2538, note Beignier B. et De Lamy B. ; JCP
2002, II, 10064, note Lepage A.
12. Cass. crim., 11 février 2003, D. 2004, Somm. p. 317, obs. De Lamy B.

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