Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 134

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LE TRAITEMENT DE L'OFFENSE AU CHEF DE L'ÉTAT

devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de
témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information,
d'instruction ou de poursuite. » Ainsi, en plus d'être quasi-irresponsable
politiquement, il bénéficie en matière civile et pénale d'une inviolabilité
temporaire qui n'est pas exempte de critiques, notamment car, pour ce
qui nous concerne, elle va avoir un impact réel sur l'équilibre des parties
au procès pénal.

B. Le chef de l'État, un « homme » privilégié ?
L'une des principales difficultés soulevée par l'intégration du président
de la République à la liste des personnes publiques de l'article 31 réside
dans la mise en œuvre des poursuites. Lorsqu'il était protégé par l'article 26, le chef de l'État n'était pas véritablement partie prenante à l'action
et au procès. Une plainte de sa part n'était pas exigée pour que les poursuites soient engagées. Il appartenait au seul ministère public de juger de
leur opportunité et de les exercer, le cas échéant. Ainsi, le chef de l'État
était indifférent à l'action, du moins officiellement, puisque rien en soi ne
permettait d'affirmer avec certitude qu'il n'avait pas invité le ministère
public à agir, vu les liens parfois étroits qu'il détient avec celui-ci.
Désormais, le président de la République est soumis aux dérogations
de l'article 48 de la loi sur la presse. En vertu de l'alinéa 2, la poursuite
par le ministère public n'a lieu que sur plainte de la victime. Le chef de
l'État doit donc nécessairement déposer une plainte en tant que victime des
propos pour que, conformément à l'article 47, le ministère public agisse.
De plus et surtout, en vertu du dernier alinéa de l'article 48, « la poursuite
pourra être exercée à la requête de la partie lésée ». Le président peut donc
lui-même déclencher les poursuites par le dépôt d'une citation directe ou
d'une plainte avec constitution de partie civile. Cette possibilité soulève
quelques difficultés au regard de son statut. Du fait de l'inviolabilité temporaire dont il dispose le président ne peut faire l'objet d'action en justice,
en revanche, il peut, lui, agir en justice, et notamment exercer des actions
civiles pour défendre son droit à l'image. Si cette possibilité ne soulève pas
trop de difficultés dans la mesure où l'on reste au plan civil, en revanche,
la constitution de partie civile, bien qu'elle ait été jugée conforme à la
Convention européenne des droits de l'homme8, est plus sensible, car, ce
faisant, le président de la République endosse le rôle de victime, catalyseur
de l'action publique. Il cumule alors sa position de partie au procès avec
sa fonction constitutionnelle d'autorité de nomination des magistrats, ce
8. Cass. ass. plén., 15 juin 2012, Bull. crim. 2012, Ass. plén. n° 1 ; AJDA 2012, p. 1188 ;
D. 2012, pp. 1916 et s., note Beaud O. ; RFDA 2013, pp. 1203 et s., note DesauLnay O.
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