Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 147

PATRICE ROLLAND

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pénales dans lesquelles la dimension religieuse est prise en compte : la provocation publique ou non publique à la discrimination ; la discrimination dans
l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service ; l'injure publique ; la diffamation ; la violence à raison de la religion avec ou sans incapacité ; la violation
de sépulture et l'atteinte à l'intégrité du cadavre10. En pratique parce qu'elles
visent les médias, les plaintes portent essentiellement sur l'injure et la diffamation. Cette protection a pour caractéristique commune de concerner les
personnes ou les groupes de personnes, jamais les institutions. Une même
formule est systématiquement utilisée : « à l'égard d'une personne ou d'un
groupe de personnes à raison de... ». La religion est ainsi placée sur le même
plan que la race, l'ethnie, la nation et plus récemment le sexe, l'orientation
ou l'identité sexuelle et le handicap.
En cette matière, la Cour européenne a fixé les principes dans son arrêt
Otto-Preminger Institut du 20 septembre 1994 qu'elle reproduit systématiquement dans toutes les décisions ultérieures, principes qui passent
dans les recommandations du Conseil de l'Europe et dans la jurisprudence
interne des États11. La Cour avait constaté et consacré les conséquences du
caractère pluraliste d'une société dans le domaine de la liberté d'expression : « Ceux qui choisissent d'exercer la liberté de manifester leur religion,
qu'ils appartiennent à une majorité ou à une minorité, ne peuvent raisonnablement s'attendre à le faire à l'abri de toute critique. Ils doivent tolérer
et accepter le rejet par autrui de leurs croyances religieuses et même la
propagation par autrui de doctrines hostiles à leur foi. » (§ 47)12. L'exercice
de la liberté d'expression « comporte toutefois des devoirs et des responsabilités », résume la Cour en 200613. Elle a ainsi posé un droit au respect
des convictions : « [...] − dans le contexte des opinions et croyances religieuses - peut légitimement être comprise une obligation d'éviter autant
que faire se peut des expressions qui sont gratuitement offensantes pour
autrui et qui constituent donc une atteinte à leurs droits et qui, dès lors,
10. Voir, Blasphème, injure et haine : la réponse de la société démocratique, op. cit., p. 181 ;
la réponse compte huit infractions mais semble avoir omis l'injure non publique de l'article
R624-4 du Code pénal.
11. Pour une synthèse voir RoLLand P., « Existe-t-il un droit au respect des convictions
religieuses dans les médias ? Sur une jurisprudence récente de la Cour européenne des droits
de l'homme », RFDA 2004, pp. 1001-1008.
12. Il faut rappeler ici la doctrine de l'arrêt Handyside avait très tôt donné le principe général sur ce sujet : « La liberté d'expression [...] vaut non seulement pour les "informations"
ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais
aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de
la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels
il n'est pas de "société démocratique". Il en découle notamment que toute "formalité",
"condition", "restriction" ou "sanction" imposée en la matière doit être proportionnée au
but légitime poursuivi. » (§ 49).
13. CEDH, Aydin Tatlav c/ Turquie, 2 mai 2006, § 23.

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