PATRICE ROLLAND 151 des appréciations (celle des plaignants ou des défendeurs comme celle des juges), il est peut-être plus fécond de s'interroger sur la méthode pour parvenir à cet équilibre. Les éléments déterminés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ouvrent à une démarche plus objective dans la mesure où ils nous rappellent la signification de la liberté d'expression pour une société démocratique. L'importance et l'ampleur de la liberté d'expression sont commandées par la notion de débat public et de « progrès dans les affaires du genre humain ». La liberté d'expression et la liberté de la critique seraient nihilistes si elles n'existaient que pour elles-mêmes : parler pour parler ou critiquer pour critiquer. L'existence d'une argumentation devient ainsi l'élément fondamental qui permet de distinguer le propos critique ou polémique de l'injure ou de l'insulte. Si la critique et la polémique doivent être protégées, le droit au respect des convictions exige qu'il y ait une argumentation, c'est-à-dire des éléments relevant d'un débat en raison. Il existe des formes d'expression qui ne sont que très faiblement fournies en argumentation. Méritent-elles absolument la même protection que les autres ?