Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 165

FRÉDÉRIC SUDRE

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On rapprochera de l'affaire Soulas, l'arrêt Feret c/Belgique, du
16 juillet 2009, relatif à la condamnation du président du « Front national »
belge pour incitation publique à la discrimination ou à la haine par la diffusion de tracts émis pendant les élections. La Cour constate que « le langage
employé par le requérant incitait clairement à la discrimination et à la haine
raciale, ce qui ne peut être camouflé par le processus électoral » (§ 78). En
conséquence, elle estime que les motifs invoqués par les juridictions nationales pour justifier l'ingérence dans la liberté d'expression du requérant
étaient « pertinents et suffisants » mais, sans s'en expliquer, elle « considère que le contenu des tracts incriminés ne justifie pas l'application de
l'article 17 de la Convention en l'espèce » et se limite à conclure à la non
violation de l'article 10 (§ 82).
b) Le délit d'apologie du terrorisme est l'objet du surprenant arrêt Leroy
c/France, du 2 octobre 2008 (préc.). Le requérant a été condamné pour
complicité d'apologie du terrorisme, sur le fondement (à l'époque) de l'article 24 al. 6 de la loi de 1881, pour avoir publié dans un journal basque une
caricature avec une légende glorifiant les attentats du 11 septembre 2001
- « Nous en avions tous rêvé ... le Hamas l'a fait ». La Cour refuse de faire
rentrer la caricature litigieuse dans le champ de l'article 17 et, donc, de la
soustraire à la protection de l'article 10, au double motif que le message de
fond - la destruction de l'impérialisme américain − ne vise pas la négation
de droits fondamentaux, à la différence du racisme, de l'antisémitisme ou de
l'islamophobie, et que le dessin litigieux ne constitue pas une justification
non équivoque de l'acte terroriste. C'est avoir une conception singulièrement stricte de l'apologie du terrorisme. Sur le seul terrain de la liberté
d'expression, la Cour considère que le dessin soutient et glorifie le recours
à la violence et, prenant également en compte le contexte de la publication
(deux jours après les attentats), le lieu (région où le risque terroriste n'est
pas absent), le faible montant de l'amende, elle juge que la mesure prise
n'était pas disproportionnée aux buts légitimes poursuivis - la défense
de la sûreté publique, la défense de l'ordre et la prévention du crime − et
constate une non violation de l'article 10.
Les arrêts Soulas et Leroy permettent d'évoquer l'idée d'un continuum
tel qu'il y aurait une gradation dans la gravité de l'abus de la liberté d'expression permettant au juge européen de procéder au délaissement de la
restriction au droit à la liberté d'expression (art. 10 § 2) pour venir sur le
terrain de la déchéance du droit.

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