Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 178

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LA QUESTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTION

A. La déspécialisation du droit de la presse
Cette première technique utilisée par le législateur, qui permet de soustraire des infractions de presse au régime procédural de la loi de 1881,
dont la prescription, vise plus largement à rapprocher du droit commun
la sanction de ces infractions.
À cet égard, la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les
dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme27 a déplacé les textes
réprimant les infractions de provocation et d'apologie des actes de terrorisme de l'article 24 de la loi sur la presse vers l'article 421-2-5 du Code
pénal28. Ces textes ont été transférés des « crimes et délits commis par la voie
de la presse ou par tout autre moyen de communication » du chapitre IV
de la loi de 1881 vers le livre IV du Code pénal qui définit les « crimes et
délits contre la Nation, l'État et la paix publique ».
L'opportunité de ce déplacement a pu être débattue29. En effet, la question se pose de savoir si de tels actes constituent encore des abus de la
liberté d'expression ou s'ils ne relèvent pas, au contraire, de l'entreprise
terroriste30. L'objectif poursuivi, dicté par des « considérations d'efficacité
processuelles »31, paraît légitime. En outre, le contexte, celui du durcissement de la répression, est lui-même compréhensible. Mais l'effet, consistant
en l'assimilation des délits de provocation non suivie d'effets et d'apologies
du terrorisme aux actes de terrorisme et la soumission des premiers au
régime des seconds, interroge.
27. JO 14 nov. 2014, p. 19162.
28. V. MastagLi J., « La loi du 13 novembre 2014, attentatoire à la liberté d'expression ? »,
in Les combattants européens en Syrie (dir. Jacobs A. et FLore D.), 2015, L'Harmattan,
Comité International des Pénalistes Francophones, Journées, p. 160 ; V. aussi, Dreyer E.,
Rép. pén. Dalloz, vo Apologie publique de certaines infractions, nos 71 s.
29. V. la contribution de Dreyer E. dans cet ouvrage.
30. Mayaud Y., Rép. pén. Dalloz, vo Terrorisme, n° 86, soulignant que le transfert de ces
infractions vers le Code pénal permet de « rejoindre [une] réalité criminologique » ; évoquant
la nécessité de « réprimer spécifiquement le "Djihad médiatique" [...] lié aux activités de
recrutement et de propagande sur internet », V. aussi « Entrée en vigueur du nouveau dispositif de lutte anti-terrorisme - Entretien avec Camille Hennetier », Droit pénal 2014, n° 12,
Entretien n° 2 ; la Commission nationale consultative des droits de l'homme avait demandé
pour sa part que l'apologie publique du terrorisme « continue à relever des dispositions
spécifiques du droit de la presse », V. Dalloz actualité, 30 sept. 2014, obs. FLeuriot.
31. Mayaud Y., Rép. pén. préc., ibid. ; relevant que « l'intégration croissante, par les
groupes terroristes, de l'action médiatique dans leur stratégie globale, et l'efficacité
que représente Internet à cet égard », V. aussi Godeberge C. et Daoud E., « La loi du
13 novembre 2014 constitue-t-elle une atteinte à la liberté d'expression ? », AJ pénal 2014,
p. 563 ; pour le gouvernement, le régime procédural de la loi sur la presse était de nature à
entraver ou à rendre moins efficace l'action des services d'enquête et des autorités judiciaires,
V. Projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, Étude
d'impact, 8 juillet 2014, § 2.4.2.
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