Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 207

AURÉLIE CAPPELLO

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le relèvent certains auteurs, « la frontière entre simple hébergement technique et édition de contenus est devenue de plus en plus floue »21.
L'affaire Delfi soumise à la Cour européenne des droits de l'homme
illustre bien cette difficulté22. Était en cause, en l'espèce, une société (Delfi)
propriétaire d'un des plus grands portails d'actualités sur Internet en
Estonie, qui publie des articles de professionnels et invite les internautes à
inscrire des commentaires. Ces derniers sont mis en ligne automatiquement
mais il existe un système de retrait sur notification d'un internaute, un
système de suppression automatique pour les commentaires comprenant
la racine de certains mots et une possibilité pour les personnes s'estimant
lésées par un des commentaires de demander à la société de retirer le
message. À la suite d'un article portant sur une entreprise (SLK), plusieurs
commentaires contenant des menaces et des insultes contre l'actionnaire
principal, ont été publiés. Celui-ci a alors demandé à la société Delfi de
retirer les commentaires, ce qui a été fait le jour même de la demande (soit
six semaines après leur mise en ligne), ainsi que des dommages et intérêts,
ce qui a été refusé. L'affaire portait sur la responsabilité civile de la société
Delfi, mais supposait néanmoins de déterminer son rôle pour apprécier
sa responsabilité. La Cour européenne a validé le raisonnement des juridictions internes ayant qualifié la société d'éditeur et ayant donc rejeté la
responsabilité limitée, en se fondant sur trois éléments essentiels. D'une
part, le fait que la société Delfi encourage activement les internautes à
laisser des commentaires. D'autre part, son intérêt économique, le nombre
de visites dépendant du nombre de commentaires et les revenus tirés des
publicités dépendant du nombre de visites. Enfin, le fait que la société Delfi
contrôle les commentaires : elle ne les rédige pas, mais elle fixe les règles
auxquelles la zone de leur publication est soumise et la modifie, en retirant
certains commentaires, lorsque ces règles sont enfreintes. Pour les juges
estoniens, « la société défenderesse peut choisir quels commentaires seront
publiés et lesquels ne le seront pas ». Pourtant, il pouvait être considéré
au contraire que la société Delfi joue deux rôles distincts : celui d'éditeur
concernant la publication des articles des professionnels et celui d'hébergeur s'agissant des commentaires laissés par les tiers et dont elle ne rédige,

21. Benoît N., « La mise en œuvre de la responsabilité des prestataires d'hébergement
toujours incertaine », Legipresse, 2015, n° 328, p. 339.
22. CEDH, Gr. Ch., 16 juin 2016, Delfi AS contre Estonie, requête n° 64569/09 ; Piot P.,
« Commentaires sur Internet : des obligations renforcées pour les sites d'actualité et les médias
professionnels », Gaz. Pal., 30/09/2015, n° 273-274, page 20 ; Derieux E., « Responsabilité
d'un portail d'actualités du fait de commentaires diffamatoires postés par des internautes »,
Lamy Droit de l'immatériel, 1er août 2015, n° 118, page 26 ; Costes L., « Responsabilité
du portail d'information Delfi », Lamy Droit de l'immatériel, 1er juillet 2015, n° 117, p. 41.

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