Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 216

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LES IMMUNITÉS DE L'ARTICLE 41

parlementaire soit efficace, la liberté de discussion devait être sans borne,
confinant à l'insulte et à la diffamation19.
C'est dans un autre impératif fonctionnel, celui de permettre aux commissions d'enquête parlementaires de recueillir des informations pertinentes
sur leur objet qu'on trouve l'origine de l'immunité instituée en faveurs
des personnes appelées à témoigner devant elles. Le souci d'améliorer
l'efficacité du contrôle parlementaire en libérant la parole des témoins a
justifié la création de cette protection spécifique20. En effet, en l'absence
d'immunité21, les témoins étaient, et avec eux la presse qui rendait compte
de leurs dépositions, exposés à un harcèlement judiciaire, comme cela avait
été le cas à la suite de la diffusion des travaux d'une commission d'enquête
parlementaire sur les sectes22. Sa menace risquait d'amener les témoins à
expurger leurs discours des informations sensibles et à limiter d'autant
l'utilité des enquêtes parlementaires23.
Dans le prolongement de ces immunités, celle des comptes rendus des
séances publiques des assemblées est une manifestation du principe de
transparence démocratique qui veut que les citoyens aient, dans une démocratie, connaissance de la teneur des débats parlementaires, et puissent, le
19. Le sénateur Robert de Massy au cours des débats sur la loi estime que la liberté de
discussion doit être absolue : « nous la voulons aussi pleine et entière ; qu'elle soit âpre,
qu'elle soit violente, qu'elle soit passionnée, injuste même ; qu'elle travestisse les intentions,
qu'elle dénature les actes du pouvoir, c'est le jeu de la discussion, cela. Il peut choquer
parfois notre délicatesse, notre amour de la justice ; il faut savoir l'accepter et le proclamer ». Il s'interroge toutefois sur le fait de savoir si « le droit de critiquer va jusque-là,
doit-il aller au-delà ? Doit-il aller jusqu'à l'insulte et jusqu'à la diffamation ? », D. 1881,
IV, p. 79. Hauriou considère pour sa part qu'« il faut que toute vérité, même diffamatoire
ou injurieuse pour des personnalités déterminées puisse être dite publiquement », Précis de
droit constitutionnel, Librairie du Recueil Sirey, 1929, p. 533.
20. Cass. civ., 22 février 1956 ; CA Paris, 16 janvier 1984 : « seule l'immunité parlementaire
étant absolue, celle de témoin laisse place à la faute personnelle, telle que la tenue de propos
diffamatoires ou injurieux s'avérant étrangers à l'enquête parlementaire et malicieux ».
21. La jurisprudence y était peu favorable (CA Bordeaux, 26 juillet 1878, Labadie
c. Moreau, Sirey, 1879, II, p. 226), à l'inverse de la Chambre des députés : Pierre E.,
Traité de droit politique, électoral et parlementaire, Librairies-Imprimeries Réunies, 1902,
p. 691-692. Par la suite une loi du 18 décembre 1953 n° 53-1215 relative au secret des
commissions d'enquête parlementaire instaura le secret et l'interdiction de toute publication
« jusqu'au dépôt du rapport général d'une commission d'enquête ». Une loi organique du
20 juillet 1991 a rétabli la publicité de leurs travaux.
22. Cass. civ., 1re Ch. 23 novembre 2004 : le témoignage n'est pas considéré comme un
« discours » dans le sein du Parlement.
23. Assemblée nationale, Rapport n° 1147, du 8 octobre 2008 : « L'importance prise par les
commissions d'enquête parlementaires a conduit à une plus large publicité de leurs travaux.
Si une plus grande transparence a permis de leur donner un écho plus significatif, elle a
également eu pour conséquence de soumettre les personnes entendues par ces commissions
à une plus forte pression et de les exposer au risque de harcèlement judiciaire sous le chef
de diffamation ».

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