Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 224

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LES IMMUNITÉS DE L'ARTICLE 41

aux travaux parlementaires55 et d'améliorer les conditions d'exercice du
pouvoir disciplinaire des assemblées, afin que les sanctions infligées aux
représentants pour des abus de la liberté d'expression56 le soient dans le
strict respect d'une procédure contradictoire57.
En ce qui concerne l'immunité judiciaire, ce sont les limites de la liberté
d'expression de l'avocat lorsqu'il critique un magistrat58 qui sont jugées
trop étroites par la profession59, mais qu'il est en tout état de cause difficile
de fixer exactement par une jurisprudence qui est avant tout d'espèces. Par
ailleurs, il est reproché à la Cour de cassation, à la différence du Conseil
d'État60, de refuser d'élargir l'application de cette immunité pénale en matière
disciplinaire61. Mais cette régulation disciplinaire, étroitement surveillée par
la Cour européenne des droits de l'homme, qui à plusieurs fois a condamné
la France pour des ingérences excessives dans la liberté d'expression des
avocats62, paraît toutefois nécessaire afin d'empêcher que des critiques excessives de la justice ne minent la confiance que le public doit avoir en elle63.
Au total les immunités de l'article 41 sont ambivalentes : nécessaires au
bon fonctionnement des institutions parlementaires et judiciaires dans une
société démocratique, elles ne doivent pas pour autant servir à protéger des
discours et des agissements qui sont susceptibles de saper la démocratie.
C'est seulement en en limitant strictement la portée et en leur conservant
un caractère exceptionnel qu'il est possible d'en tirer le meilleur.
55. Commission de Venise, rapport cit., n° 92.
56. De meilleures garanties procédurales auraient pu être utiles, par exemple, dans des
affaires comme celle du député J. Aubert sanctionné en janvier 2015 d'un rappel à l'ordre
entraînant la privation du quart de son indemnité parlementaire pour avoir persisté à appeler
la vice-présidente de l'Assemblée nationale S. Mazetier « Madame le Président » et non pas
« Madame la Présidente ».
57. À cet égard, droit européen des sanctions infligées aux parlementaires est en construction et en précise peu à peu les contours : CEDH, 17 mai 2016, Karacsony c/ Hongrie.
58. Morice, cit. ; CEDH, 15 décembre 2015, Bono c/ France.
59. Par exemple : Cass. civ. 1re, 10 septembre 2015. La Cour estime que « les propos proférés
par M. X... étaient exclus de la protection de la liberté d'expression accordée par l'article 10
§ 2 de la CEDH et qu'ils caractérisaient un manquement aux principes essentiels de délicatesse et de modération qui s'appliquent à l'avocat en toutes circonstances ».
60. CE, 22 mai 2015, requête n° 370429 : « Si [les] dispositions [de l'article 41] se bornent
à instaurer une réserve touchant les actions en diffamation, le libre exercice du droit d'agir
et de se défendre en justice fait obstacle à ce qu'un justiciable puisse faire l'objet, au titre de
propos tenus ou d'écrits produits par lui dans le cadre d'une instance juridictionnelle, en
plus des mesures prévues par cet article, de poursuites disciplinaires fondées sur le caractère
diffamatoire de ces propos ou écrits ; que ce motif, qui n'implique aucune appréciation de
fait, doit être substitué à celui retenu par la chambre disciplinaire nationale dans la décision
attaquée, dont il justifie légalement le dispositif ». L'arrêt concerne le pouvoir disciplinaire
en matière médicale.
61. Nikula, cit.
62. Morice, cit. ; CEDH, 15 décembre 2015, Bono c/ France.
63. Nikula, cit., § 45.

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