Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018 - 100

QU'APPORTE L'ÉCONOMÉTRIE À L'ÉVALUATION

III − L'ÉCONOMÉTRIE PEUT-ELLE ÊTRE COMPRISE
PAR TOUS LES PRATICIENS DU DROIT
DE LA CONCURRENCE ?
A. Se faire comprendre des juristes d'entreprise et des avocats
Le bon usage de l'économétrie en droit de la concurrence repose crucialement sur la pédagogie des parties qui mobilisent cet outil et en présentent
les résultats. Un résultat économétrique doit pouvoir être expliqué en des
termes non techniques. Le raisonnement probabiliste mobilise parfois des
outils mathématiques complexes. Mais il fait souvent appel aussi à des intuitions accessibles au bon sens de non-spécialistes. Ainsi, la différence entre
la corrélation et la causalité peut être illustrée par des exemples simples,
tirés de domaines tout à fait étrangers au droit de la concurrence. Chacun
peut ainsi comprendre que la consommation de glaces et de lunettes de
soleil sont corrélées (elles évoluent en même temps) sans qu'il existe de
lien de causalité (on n'achète une glace parce qu'on a acheté une paire de
lunette). Un simple exemple suffit à illustrer une notion-clé en économétrie,
pouvant être à l'origine d'interprétations faussées des résultats. Le débat sur
le choix de telle ou telle hypothèse peut être mené en choisissant plusieurs
observations de la base de données comme illustrations. Tout l'enjeu est
de traduire de manière pédagogique les questions techniques qui se posent.
Par ailleurs, une étude économétrique, même claire et pédagogique, ne
pourra avoir un impact que si l'avocat est en mesure de la comprendre et
de se l'approprier. Comme tout argument économique, un résultat économétrique doit être partie prenante de la ligne d'argumentation générale
présentée par une partie, et appuyée par des faits et des raisonnements
économiques. Rien n'est pire que de fonder une étude économétrique
sur une hypothèse donnée et de soutenir l'inverse dans un autre pan
de l'argumentation. C'est précisément la critique formulée par l'Autorité de la concurrence à une étude quantitative produite par une partie
mise en cause dans un cartel dans le secteur de la location-entretien du
linge. L'étude reposait sur une comparaison des prix de deux types de
clients, l'hypothèse implicite étant que les prix pour ces deux catégories se
comportait de façon similaire en dehors de l'entente qui avait seulement
affecté les grands comptes. Mais les parties avaient par ailleurs vigoureusement défendu la thèse selon laquelle ces marchés étaient différents dans
leur niveau et leur structure de tarification. Ici, l'incohérence entre les

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