Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018 - 170

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LA PREUVE EN DROIT DE LA CONCURRENCE

1. La preuve de l'existence de l'infraction
8. En ce domaine, il y a depuis longtemps une polarisation des débats sur
le concours de volontés dans l'entente21, avec les différences que l'on connaît
entre les ententes horizontales et les ententes verticales. Pour premières,
depuis la vieille affaire des matières colorantes en 197222, l'accent est mis sur
la preuve des pratiques concertées avec les difficultés liées aux conséquences
qui peuvent être tirées du constat d'un parallélisme de comportements23 ;
pour les secondes, les discussions portent sur la preuve de l'adhésion des
distributeurs aux invitations des fournisseurs. Les exigences en ce domaine
ont été renforcées par l'arrêt Bayer24 en 2004. À ce stade du raisonnement,
il est possible de se limiter à deux remarques.
9. En premier lieu, cette présentation traditionnelle, trop réductrice, est
par voie de conséquence inexacte. En matière d'ententes, le problème de
preuve dépasse le concours de volontés. Il peut survenir également pour le
deuxième élément constitutif de l'infraction, soit la restriction de concurrence. Il arrive que la preuve des effets restrictifs de concurrence ne puisse
être rapportée25. Bien évidemment, l'on peut être confronté à des difficultés
de preuve en matière d'abus de position dominante. Les problèmes peuvent
porter tant sur la preuve de la position dominante26 que sur la preuve
de l'abus. Dans certaines situations, ils peuvent être de même nature que
pour l'application de l'article 101 TFUE, comme l'a montré récemment en
France l'affaire dite du zinc27. Cela étant, est surtout en cause actuellement
le standard de preuve applicable à l'effet d'éviction28.
10. En deuxième lieu, les données sont de plus en plus complexes. L'on
se bornera à donner deux exemples communs à l'application des articles 101
et 102 TFUE.
21. De manière surprenante, les ouvrages de droit de la concurrence n'abordent les questions de preuve que dans les passages relatifs aux formes de l'entente. Le Conseil de la
concurrence a suivi une démarche identique dans son étude thématique de 2006.
22. CJCE, 14 juill. 1972, ICI, aff. 48/69.
23. V. encore récemment, devant l'Autorité, déc. n° 15-D-04, préc.
24. CJCE, 6 janv. 2004, Bayer, aff. C-2/01 P et C-3/01 P.
25. Pour un exemple récent, Aut. conc., déc. 17-D-03, 27 févr. 2015, relative à des pratiques
dans le secteur de la location de voitures.
26. Pour une illustration récente devant l'Autorité, déc. 16-D-14, 23 juin 2016, relative à
des pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé (...).
27. Aut. conc., déc. 16-D-14, préc., v. n° 695 et s., pour la preuve de pratiques d'engagement exclusif.
28. V. les débats actuellement soulevés par l'affaire Intel qui tient au fait que la Cour de
Justice n'exige pas la preuve d'un effet concret d'éviction (CJUE, 17 févr. 2011, Telia Sonera,
aff. C-52/09, pt 61 ; CJUE, 19 avril 2012, Tomra, aff. C-549/10 P, pt 17).

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