Bibliothèque de droit public - Tome 296 - Office du juge administratif et questions préjudicielles - 479

L'INTÉGRATION DE LA DÉCISION PRÉJUDICIELLE AU LITIGE AU PRINCIPAL

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conditions, nous pourrions supposer que le juge administratif au principal ne
tienne pas compte de l'« excédant » de réponse donné par le juge judiciaire, mais
se contente d'intégrer uniquement la réponse à la question qu'il avait précisément
renvoyée. Ce sont d'ailleurs dans des termes analogues que le commissaire du
gouvernement Marguerie définissait l'office du juge, d'un point de vue plus général203. De même, et dans un domaine qui ne correspond pas véritablement à la
situation envisagée ici - mais qui pourrait constituer la base d'un raisonnement
par analogie - la Haute juridiction a pu estimer qu'une commission départementale statuait ultra petita lorsqu'elle interprétait un acte non renvoyé par un conseil
de préfecture204. La jurisprudence en matière de questions préjudicielles ne semble
pourtant pas se construire en ce sens.
888. D'abord, le juge administratif estime que la réponse à la question préjudicielle donnée par l'autorité judiciaire « s'impose » à lui, sans préciser l'éventuelle partition entre les différents éléments de réponse205. Il intègre donc « un
tout », sans distinguer ce qui s'impose à lui de ce qui ne s'impose pas.
889. Il est vrai ensuite, que dans son application de la réponse donnée par la
CJUE, le Conseil d'État a parfois fait montre de résistance. Ainsi, dans une décision du 9 mai 1980206, le Conseil d'État, en appel, confirme un jugement du tribunal administratif de Nancy qui, après avoir sursis à statuer, avait intégré une décision préjudicielle, en s'en tenant strictement à la partie de la réponse répondant
précisément à la question renvoyée207. Or, la Cour de justice avait pourtant apporté
des précisions (non demandées) à sa réponse208, qui auraient sans doute dû incliner le Conseil d'État à annuler le jugement du tribunal administratif plutôt qu'à
rejeter la requête209, dès lors qu'il prenait en compte cet « excédant ».
890. Mais une autre affaire illustre davantage nos propos. Ainsi, dans un arrêt
du 26 juillet 1985210, la Haute juridiction administrative était saisie d'un appel contre
un jugement du tribunal administratif d'Orléans. Ce dernier, après avoir sursis à statuer, renvoyé une question préjudicielle à la Cour de justice et reçu la réponse, estima
« que si la cour a cru pouvoir ajouter que l'invalidité constatée de la fixation des
203. R. Marguerie, concl. sur CE, 7 déc. 1883, Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans/
Ministre de la Guerre, Rec. 904 et sp. p. 906.
204. CE, 12 avr. 1889, Tardif/Commune de Néronde, Rec. 503.
205. CE, 2 avr. 2008, Fédération française des sociétés d'assurances, n° 198564, inédit ; CE, 4 juin
2014, X./Commune de Fréjus, n° 361645, inédit, cons. 3. La jurisprudence relative au renvoi préjudiciel
au Ministre des Affaires étrangères s'avérait apodictique. V. CSCP, 1re Sect., 24 juin 1959, Sieur Bagnis,
Rec. 393.
206. CE, Sect., 9 mai 1980, Office national interprofessionnel des céréales, Rec. 220 ; AJDA, 1980,
p. 535, concl. Genevois, note Jordan.
207. Cette décision aboutissait à faire revivre le règlement communautaire auquel le texte déclaré
invalide s'était substitué, à la différence de la position du Conseil d'État concernant les effets de
l'exception d'illégalité des actes administratifs (qui n'a pas pour conséquence de faire revivre le droit
antérieur). Sur ce point, v. CE, Ass., 18 janv. 1980, Bargain, Rec. 29. V. aussi B. Seiller, L'exception
d'illégalité des actes administratifs, thèse dact., Paris II, 1995, p. 606-634 ; B. Seiller, « Les effets de la
déclaration d'illégalité sur l'ordonnancement juridique », RFDA, 2014, p. 721 et sp. p. 732.
208. CJCE, 19  oct.  1977, SA  Moulins & Huileries de Pont-à-Mousson et Société coopérative
Providence agricole de la Champagne/Office national interprofessionnel des céréales, Aff. jointes 12476 et 20-77, Rec. CJCE, p. 1795, pt. 28-29.
209. C'était en ce sens que M. Genevois orientait ses conclusions. V. B. Genevois, concl. sur CE,
Sect., 9 mai 1980, Office national interprofessionnel des céréales, AJDA, 1980, p. 535 et sp. p. 539.
210. CE, Sect., 26 juil. 1985, Office national interprofessionnel des céréales, Rec.  233 ; AJDA,
1985, p. 615, concl. Genevois.
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