Droit et Société - L'État du droit administratif - 2e - 286

L'ETAT DU DROIT ADMINISTRATIF

dans les assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale 90. D'où ce choix d'exclure du champ de l'étude les modes de
participation propres aux périodes électorales. Ainsi encore de la problématique
émergente de la « démocratie électronique ». Elle n'a rien d'ailleurs de spécifiquement « local » : l'État de droit semble vouloir se penser tout entier comme
un système de communication. Mieux, les fameuses NTIC entraînent de notables effets de « dé-territorialisation » qui affectent jusqu'à la notion de territoire 91. Mais elles pourraient bien transformer les conditions d'exercice de la
démocratie locale. Reste que le traitement d'un tel sujet obligerait à des investigations étrangères aux codes de l'enquête juridique.
Mais il y a tout le reste, qui contraint à un nouveau choix: celui du « registre ». Il ne peut s'agir de présenter un catalogue de règles, de procédures et
d'institutions comme si elles étaient leur propre finalité. Les mots du droit ne
racontent pas n'importe quelle histoire 92. On aura à la prendre d'autant plus au
sérieux qu'elle sert de référence privilégiée aux acteurs. Qu'ils investissent ou
la rejettent, qu'importe ! L'essentiel, c'est qu'ils se déterminent en raison de ce
récit-là, plutôt qu'en sollicitant d'autres fictions. Ainsi s'accomplit le « travail »
du droit, dans les jeux d'acteurs et les rôles sociaux qu'ils expriment. Le mode
de traitement de la juridicité adopté ici en résulte : puisque la politique de décentralisation fait de la démocratie locale une préoccupation majeure et toujours actuelle, le droit de la participation (§1) doit être apprécié du point de vue
des ambitions démocratiques de la décentralisation (§2).
§ 2. - Sur l'outillage juridique de la participation
On peut sans difficulté recenser les outils juridiques de la participation des
habitants aux affaires de la cité. L'affaire se complique s'il faut en donner une
typologie. L'accord ne se fait alors que sur l'intitulé des rubriques principales;
les contenus, eux, sont soumis aux variations et à l'indétermination. Rien
d'étonnant : le droit réfléchit, tout en les entretenant, les incertitudes dont la notion de démocratie locale est empreinte, et les constructions doctrinales ne sont
pas étrangères aux attentes personnelles de leurs auteurs. C'est sous cette réserve que je me risque ici à une rapide opération descriptive. Tributaire de la
dynamique institutionnelle de la décentralisation, l'état du droit exige un double
niveau de lecture : derrière l'invariance des formes usuelles de la participation
90. V. H. REIGNER, « La démocratie intercommunale dans la réforme des collectivités territoriales : quel cadre d'analyse pour la recherche ? », in R. LE SAOUT (éd.), Réformer
l'intercommunalité. Enjeux et controverses autour de la réforme des collectivités territoriales,
PUR, coll. « Res publica », Rennes, 2012, p. 65-86.
91. L'informatisation des échanges conduit à la construction de territoires symboliques, dématérialisés, que l'on peut appeler des « territoires sans terre ». V. J. CAILLOSSE, Remarques sur la
juridicité du territoire, Pouvoirs locaux, n° 43/1999.
92. Le texte juridique se sépare ici de la construction romanesque, même si l'on peut, à la manière
de R. DWORKIN (Une question de principe, PUF, coll. « Recherches politiques », Paris,
1996, p. 199 et s.), solliciter cette métaphore du roman en train de s'écrire pour analyser les
conditions de production de la jurisprudence.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 56, 2e éd., 2017

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