Cours - Droit des biens - 1re - 260

DROIT DES BIENS

possessoire, obtenir l'acceptation du défendeur alors même que l'instance au pétitoire
n'était pas liée101. En revanche, si le demandeur avait fait le choix d'agir dans un premier
temps au possessoire, il pouvait encore agir au pétitoire ensuite, afin d'obtenir la sanction
du fond du droit. S'agissant du défendeur, il ne pouvait quant à lui agir au pétitoire qu'à la
condition d'avoir préalablement mis fin au trouble (art. 1267 CPC). L'impact du principe
fondamental selon lequel nul ne peut se faire justice à soi-même est perceptible.
La simplicité attendue de la protection possessoire se doublait par ailleurs d'un rythme
soutenu, au travers des règles qui gouvernaient les délais utiles. Ceux-ci, de deux sortes,
étaient tous d'une durée d'une année : le titulaire de l'action possessoire devait, d'abord,
agir dans l'année du trouble (art. 1264 CPC). À défaut, l'absence de réaction immédiate
de la prétendue victime jetait un doute sur l'importance réelle du trouble invoqué
postérieurement102. Mais pour que la protection possessoire pût s'exprimer, elle imposait,
ensuite et en outre, une possession ou une détention d'une ancienneté d'au moins une
année103. Une possession ou une détention qui serait trop récente est suspecte. Cependant, concernant la réintégrande, contrairement à la complainte et à la dénonciation de
nouvel œuvre qui matérialisaient un trouble de moindre gravité, une possession ou détention actuelle suffisait à agir en réintégration ; de sorte que le délai de possession d'une
année n'était pas alors exigé.
La mort des actions possessoires. En raison de la complexité constatée des questions
de compétence devant les tribunaux d'instance et de la difficulté éprouvée par les plaideurs
à distinguer ce qui a trait au possessoire ou au pétitoire, la loi nº 2005-47 du 26 janvier 2005
a décidé de regrouper les questions touchant à la propriété immobilière (mais non le droit
de la copropriété comme cela avait été envisagé dans un premier temps)104. Désormais,
« les actions possessoires relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande
instance » (art. R. 211-4, 5º COJ). Par dérogation, « Si l'exception ou le moyen de défense
[soulevé devant le tribunal d'instance] implique l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire ou possessoire, le tribunal d'instance pourra se prononcer, mais à charge
d'appel. » (art. R. 221-40, al. 2 COJ).
La réforme opérée pouvait conduire à l'expression d'un regret : à partir du moment où le
passage du possessoire dans le giron du tribunal de grande instance soumet le particulier
à la procédure applicable devant cette juridiction et notamment à la représentation obligatoire par avocat, où se trouvent la simplicité et la proximité annoncée ? Deux idées tempéraient ce premier mouvement de critique : d'abord, dans la quasi-totalité des cas, c'est la
représentation par avocat qui est devenue la réalité sociologique, et la présentation personnelle, l'exception (d'ailleurs la tradition qui s'est installée dans les tribunaux, qui veut que
lors de l'appel des causes, l'on commence par les dossiers présentés par les avocats, et
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101. Cass. req., 24 mars 1868, DP 69. 1. 83, S. 68. 1. 360.
102. A. BLANCHOT, « Le droit et le bon sens », in Mél. A. Decocq, 2004, Litec, p. 25.
103. Mais il n'était pas nécessaire que des actes matérialisant la possession aient été réalisés au cours de ce délai : une
possession utile et ancienne est en effet à cet égard suffisante à remplir la condition requise, cf. Cass. civ., 30 nov. 1892,
D. 93. 1. 247.
104. La réforme résultant de la loi de 2005 ne porte toutefois pas atteinte aux compétences élargies du tribunal d'instance dans
les trois départements d'Alsace et Moselle : c'est dans la limite de leur taux de compétence que les tribunaux d'instance de ces
régions connaissent des actions immobilières possessoires et pétitoires, y compris en matière commerciale. Au-delà, le tribunal
de grande instance est compétent.

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