Cours - Droit des biens - 1re - 390

DROIT DES BIENS

lorsqu'il est établi qu'en réalité le prix n'a été payé que par un seul des acquéreurs ou qu'il
existe une telle différence d'âge entre les partenaires à l'acquisition qu'elle rend l'aléa inexistant. En l'absence d'aléa, l'opération constitue une libéralité. La fiscalité de la tontine n'est
cependant pas très attrayante. Le taux d'imposition de la part transmise du fait du décès est
celui applicable aux libéralités faites aux personnes qui n'ont pas de lien de parenté66.
641 La tontine s'est invitée auprès des marchés financiers. Elle y apparaît comme une
forme originale de placement. Des épargnants vont être réunis et leur investissement en
commun géré par un groupement doté de la personnalité morale. Une association tontinière peut ainsi être créée pour une durée qui généralement est de vingt ans. La tontine
impose donc en principe un blocage de fonds de longue durée, tout en sachant qu'il est
parfois possible de rejoindre une association déjà existante. Une fois le terme conventionnellement prévu atteint, l'association est dissoute et les profits réalisés sont répartis entre
les bénéficiaires survivants. Afin de préserver les intérêts notamment familiaux contre le
risque de décès prématuré sur lequel repose l'opération au départ, les épargnants
peuvent en outre souscrire une garantie qui permettra, en cas de disparition, de verser les
fonds aux personnes qu'ils ont désignées. On rejoint ce faisant le schéma plus classique de
l'assurance vie. Ce qui explique que le régime fiscal applicable à la tontine sera alors celui
de cette dernière.

642 Réalité d'une appropriation collective. Dans tous les cas, tant que la condition ne s'est
pas réalisée, les parties ont des droits concurrents qui leur permettent de jouir indivisément du bien, si nécessaire, après décision du juge67. Mais les acquéreurs ne sont pas en
indivision68.
Bibliographie indicative : A. CHAPPERT, « Droit d'usage et d'habitation et pacte tontinier »,
Defrénois, 1999, art. 36950, p. 330 ; A. COZETTe, C. DOS SANTOS, N. HERSCOVICI et G. ZIMMERMANN,
« Tontine ou usufruit : les droits du conjoint », Gaz. Pal. 2000. 1, doctr., 794 ; A. DEPONDT,
« Les applications du pacte tontinier », Dr. et patr. mars 1995, p. 42 (qui y voit un moyen de
protection avantageux du conjoint survivant) ; J. MAZEAUD, « Les clauses d'accroissement ou
de réversion et la jurisprudence de la Cour de cassation », Defrénois 1961, art. 28080,
p. 281 ; G. MORIN, « La clause d'accroissement », D. 1971, chron., 55 ; M. NAST, « De l'acquisition conjointe d'un immeuble avec clause d'accroissement au profit du survivant », Defrénois 1928, art. 21759, p. 417 ; J. G. RAFFRAY, « Tontine et société », JCP 1988. I. 3327 ; F. ZENATI,
obs. in RTD civ. 1995. 151.

66. Art. 754 A CGI, soit de 60 % ; il en va autrement selon le dernier alinéa du texte lorsque le bien est l'habitation principale
commune à deux acquéreurs lorsque celle-ci a une valeur globale inférieure à 76 000 euros. Dans cette occurrence, la taxation
est de 4,89 %. Le bénéficiaire peut toutefois opter pour l'application des droits de mutation par décès, ce qu'il fera chaque fois
qu'il peut bénéficier d'une exonération des droits de mutation à titre gratuit (conjoint survivant, partenaire lié au défunt par un
pacte civil de solidarité, frères et sœurs vivant sous le même toit).
En revanche, les sommes qui sont « investies sur une tontine échappent à l'ISF pour les versements effectués avant 70 ans »
(Les Échos, 12-13 mai 2017, Patrimoine, p. 3.).
67. Cass. 1re civ., 9 févr. 1994, Bull. civ. I, nº 60, RTD civ. 1995. 151, obs. F. ZENATI.
68. Cass. 1re civ., 27 mai 1986, Bull. civ. I, nº 140, JCP 1998. I. 171, nº 4, obs. H. PÉRINET-MARQUET : ce qui exclut le droit au partage.
V. M. DAGOT, « L'acquisition faite au profit du survivant des acquéreurs (à propos de la clause d'accroissement) »,
JCP 1972. I. 2442, qui considère que l'utilisation de la technique juridique des conditions explique et justifie la clause d'accroissement ; v. crit. F. ZENATI, RTD civ. 1995, spéc. p. 153, qui, dans la mesure où la tontine vient éviter le transfert de propriété, préfère
y voir une forme d'indivision et s'appuyer sur la qualification traditionnelle d'accroissement pour expliquer l'économie du
système).

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