Cours - Droit des biens - 1re - 57

La distinction fondée sur la nature physique des choses

relation qui s'établit, mais le législateur moderne le fait en étendant la mesure de la solvabilité de la caution au-delà de ses seuls biens immobiliers. La valeur d'un patrimoine ne
tient pas à son seul actif foncier. Cependant et à l'inverse, l'article 2197 du Code civil20
prévoit une saisie prioritaire des meubles « d'un mineur, même émancipé, ou d'un majeur
en curatelle ou en tutelle », sauf lorsque l'immeuble est indivis entre l'intéressé et un
majeur et que la dette leur est commune. Ou encore, lorsqu'à la date des poursuites, « le
majeur n'était pas encore placé sous curatelle ou sous tutelle ».
En revanche, pour tout ce qui relève de la différence physique, normalement perceptible,
c'est autre chose. L'idée d'une répartition des droits selon qu'ils puissent ou non bénéficier d'un élément de stabilité est solidement ancrée dans l'approche des biens. Tous
s'accordent ainsi à signaler que, lorsqu'il se rencontre des hypothèses de publicité organisée pour certains meubles, tant dans un souci d'information, d'opposabilité que de mise
en place de garanties, un tel mécanisme ne saurait être étendu à tous les meubles à
l'exemple de ce qui est réalisé pour la publicité foncière. Roger Jambu-Merlin rappelle
qu'en 1612 le Parlement de Bordeaux déclarait que le navire était « censé immeuble »,
qualification qui sous l'ancien droit pouvait découler non de la mobilité ou fixité de la
chose mais de son importance sociale et économique21. La solution contraire, insistant
sur la nature physique du navire, s'est imposée à partir de l'Ordonnance de 1681 sur la
Marine, sans doute en raison de cette mobilité marquée et des pertes fréquentes des bâtiments de cette nature signe d'une pérennité aléatoire bien éloignée de l'image des
immeubles. Elle figure aujourd'hui expressément à l'article 531 du Code civil22. La distinction des meubles opposés aux immeubles semble alors pouvoir se préciser davantage par
un rapprochement des droits attachés à un objet dont la localisation ou l'amarrage
(physique ou par l'intermédiaire d'un système de publicité qui joue ce rôle) est certain ou
peut être organisé de manière à le devenir, ou au contraire, des droits portant sur des
choses vouées à la mobilité (on ne peut utilement s'y opposer en raison de leur nature)
ou une volatilité (qui est voulue).
Sur ce dernier point, la solution qui consiste à voir dans le certificat d'immatriculation des
véhicules assujettis à déclaration de mise en circulation et immatriculation une simple
« pièce administrative permettant l'utilisation normale du véhicule » automobile23 est étonnante. D'une part, le décret nº 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des
véhicules automobiles, abrogé par l'ordonnance nº 2006-346 du 23 mars 2006, commandait
aux créanciers d'en faire mention sur un registre spécial ouvert à cet effet à la préfecture
qui aura délivré la carte grise, ceci pour conserver leur gage, et le nouvel article 2351 du
Code civil en fait une condition d'opposabilité aux tiers ; d'autre part, ce certificat est tenu
pour suffisant à asseoir une responsabilité pénale du fait de la création de présomptions
de culpabilité qui viennent frapper le titulaire de ce document, présumé avoir commis
l'infraction, ici de dépassement de vitesse maximale autorisée ou de respect des distances
de sécurité entre véhicules (art. L. 121-3 C. route), et là, de stationnement illicite

20. Ord. nº 2006-461 du 21 avr. 2006.
21. F. JAMBU-MERLIN, « Le navire, hybride de meuble et d'immeuble », in Études J. Flour, Defrénois, 1979, p. 305.
22. Adde loi nº 67-5 du 3 janv. 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer et décr. nº 67-967 du 27 oct. 1967,
aujourd'hui abrogés et remplacés par les articles L. 5121-3 et s. du Code des transports.
23. Cass. 1re civ., 13 janv. 1987, Bull. civ. I, nº 12.

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