Bibliothèque de droit social - Les relations de travail dans l'entreprise transnationale 2017-2018 - 151

L'INADAPTATION DES RÈGLES AUX RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL

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du 12 février 2015, la Cour de Justice de l'Union européenne invite néanmoins à
clarifier la définition et le contenu du salaire minimum applicable aux salariés détachés66. Ainsi, les États qui ne disposent pas d'un salaire minimum, comme c'était
jusqu'à récemment le cas de l'Allemagne, ont massivement recours à une maind'œuvre étrangère rémunérée à un salaire inférieur à celui versé aux travailleurs
nationaux67. En outre, la Cour de Justice interprète restrictivement l'article 3 paragraphe 1 de la directive détachement qui, d'après elle, ne trouve application qu'à
l'égard de règles de protection présentant un caractère impératif68. Elle ne prévoit
pas le respect systématique des dispositions salariales d'origine conventionnelle69.
Les arrêts Laval et Rüffert sont ainsi les tristes témoins de la liberté laissée aux prestataires quant à l'application des dispositions salariales des pays d'accueil aux travailleurs détachés70. Dernièrement, la décision Bundesdruckerei GmbH71 s'inscrit
si les sommes versées modifient ou non « le rapport entre la prestation du travailleur et la contrepartie
que celui-ci perçoit ». Elle juge ainsi que les versements forfaitaires peuvent être inclus dans le salaire
minimal (§§ 41, 42) à l'inverse de la contribution de l'employeur à la constitution d'un capital (§ 43).
66. CJUE, 12 févr. 2015, Sähköalojen ammattiliitto ry, C-396/13, Dr. soc., n° 3, mars 2015, pp. 234236, note J.-P. Lhernould. Dans cette affaire, elle fait ainsi une juste application de l'article 3,
paragraphe 7 de la directive 96/71 et s'appuie sur le critère d' « allocation propre au détachement » pour
inclure dans le salaire minimum une indemnité forfaitaire de trajet déconnectée des frais réellement
exposés par le salarié détaché, une indemnité journalière fixe ainsi qu'un pécule de vacances. Cette
solution s'éloigne toutefois de celle rendue par la Cour de cassation en 2014 qui n'avait exclu du salaire
minimum conventionnel français que l'indemnité de repas (Cass. soc., 13 nov. 2014, n° 13-19.095,
D. 2014, p. 2413 ; Dr. soc., 2015, p. 91, obs. J.-P. Lhernould). Ces divergences rendent ainsi nécessaire la
clarification par les partenaires sociaux français de la notion de salaire minimal pour les salariés détachés
en France, J.-P. Lhernould, note ss. CJUE, 12 févr. 2015, Sähköalojen ammattiliittory, préc., n° 7.
67. Rapport d'information Savary-Guittet-Piron, mai 2013, déposé par la Commission des affaires
européennes sur la proposition de directive relative à l'exécution de la directive sur le détachement des
travailleurs, pp. 13 et s. L'Allemagne détient ainsi l'ensemble du marché européen de l'abattage en
recourant à des salariés détachés en provenance d'Europe de l'Est rémunérés à des coûts très inférieurs
à ceux pratiqués par les autres pays présents sur ce marché et disposant, eux, d'un salaire minimum
comme la France. Le conseil des Ministres allemand a fort heureusement adopté, le 2 avril 2014, un
projet de loi instaurant un salaire minimal légal en vigueur depuis le 1er janvier 2015. Mais celui-ci étant
fixé à 8,50 euros bruts de l'heure, il est bien inférieur au SMIC français et ne sera pas revalorisé dans les
mêmes conditions, ce qui peut faire douter qu'il mette un terme à cette concurrence agroalimentaire. De
même, si le salaire minimum légal est en principe applicable pour toute activité salariée, il existe un
certain nombre d'exceptions, v. pour une étude, M. Schley et F. Nietsch, « L'instauration d'un salaire
minimum légal en Allemagne », Dr. soc., n° 6 juin 2015, pp. 537-540.
68. Dans les arrêts Laval et Rüffert (préc.), la CJCE affirme que cette interprétation stricte
permet de ne pas « priver d'effet utile » la directive.
69. Leur prise en compte est conditionnée au fait qu'elles soient déclarées d'application
générale et obligatoire dans le pays d'exécution de la prestation de services (art. 3, § 8). Mais, la
directive a limité l'application obligatoire des dispositions des conventions collectives d'application
générale au seul secteur d'activité de la construction. Dans les autres secteurs, seul le minimum légal
doit être respecté.
70. CJCE, 18 déc. 2007, aff. C-438/05, Laval, préc. ; CJCE, 3 avril 2008, aff. C-346/06, Rüffert,
préc. En effet, dans les deux pays d'accueil en cause, respectivement la Suède et l'Allemagne, le salaire
minimal n'était fixé ni par une disposition législative ou règlementaire ni par une convention collective
déclarée d'application générale. Aussi, la Cour de Justice a-t-elle permis à chacun des prestataires de
services établis dans un autre État membre à faible taux de rémunération (la Lettonie et la Pologne) de
ne pas appliquer aux travailleurs qu'ils détachaient le taux de salaire de la convention collective des
États d'accueil suédois et allemand.
71. CJUE, 18 sept. 2014, aff. C-549/13, Bundesdruckerei GmbH c. Stadt Dortmund, préc. La
question soulevée dans cette affaire était de savoir si l'article 56 TFUE et la directive détachement de
96 s'opposait à une disposition nationale ou à une condition d'attribution d'un marché public, prévue
ici par la ville de Dortmund en Allemagne, obligeant le soumissionnaire à rémunérer les travailleurs
au salaire minimum fixé par cette disposition quand bien même le sous-traitant serait serait établi
dans un autre État de l'UE.

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