Bibliothèque de droit social - Les relations de travail dans l'entreprise transnationale 2017-2018 - 329

LA TRANSITION VERS UN NOUVEAU PARADIGME DE L'ENTREPRISE

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2. Le régime juridique du pouvoir de l'organisation
388. L'entreprise transnationale exerce un pouvoir d'ensemble sur les différentes structures sociétaires, lequel participe à la redéfinition de ses frontières et à
la recomposition de l'organisation (a). Ce pouvoir fait l'objet d'un contrôle (b)
qui témoigne d'une certaine « institutionnalisation » de l'entreprise.
a) L'exercice du pouvoir de l'organisation
389. La maîtrise d'une société par une autre. Le pouvoir de l'organisation
s'exerce sur les structures de direction et tend à les gouverner. Son exercice permet, comme nous l'avons vu, de caractériser une situation de co-emploi. Ainsi
que le souligne S. Vernac, il peut également apparaître lorsqu'une société mère est
l'employeur des mandataires sociaux d'une filiale qui lui sont alors liés par un lien
de subordination241. Il y a bien dans cette hypothèse, maîtrise (au moins indirecte)
de la direction d'une société par une autre. Et c'est cette même maîtrise que
dévoile la notion de « sphère d'influence » propre à la RSE. Cette influence, ce
pouvoir de contrôle exercé par une société sur une autre, ne se limite pourtant pas
aux frontières internes du groupe. Elle s'étend, avec les normes de responsabilité
sociétale, à l'ensemble du réseau, c'est-à-dire aux partenaires commerciaux. Aussi,
la notion de « sphère d'influence » traduit-elle un paradoxe dans la relation de
pouvoir qu'elle révèle.
390. Le paradoxe de la sphère d'influence. Elle renvoie en effet à l'influence
que l'entreprise transnationale exerce notamment sur ses partenaires commerciaux dans ses relations d'affaires. Par le truchement des normes de RSE, la
société dominante (société mère ou donneuse d'ordre) exerce ainsi son pouvoir
sur celles qui se trouvent dans sa sphère d'influence (filiales ou sous-traitantes), ce
qui lui permet d'imposer des normes générales de conduite. De ce point de vue, la
responsabilité sociétale n'est donc pas vecteur d'un pouvoir d'ensemble, d'un
pouvoir unifié. Elle n'est jamais que la manifestation du pouvoir de direction
économique d'une société sur l'autre, filiale ou sous-traitante242. Le pouvoir ne
semble d'ailleurs pas plus équilibré dans le groupe de sociétés que dans le réseau243.
Au contraire, les instances dirigeantes des filiales ne font souvent qu'exécuter les
décisions de la société mère.
Mais, paradoxalement, la notion de « sphère d'influence » conduit à réunir le
pouvoir dans l'entreprise car elle consacre un pouvoir qui « supervise », qui transcende le pouvoir de gestion interne de chaque société244. L'influence d'une société
sur son environnement, qui lui permet d'imposer le respect des normes de RSE,
entraîne en effet un dépassement de l'indépendance des personnes morales. Les
engagements de RSE auxquels les différentes sociétés sont soumises tendent ainsi
à les réunir autour d'objectifs sociétaux communs.
241. S. Vernac, Le pouvoir d'organisation. Au croisement du droit du travail et du droit des
sociétés, préc., n° 11.
242. De ce point de vue, la RSE se rapproche du gouvernement « d'entreprise » qui renforce le
pouvoir des uns (les actionnaires) au détriment des autres (les dirigeants).
243. Contra, M.-C. Caillet, Le droit à l'épreuve de la responsabilité sociétale des entreprises :
étude à partir des entreprises transnationales, préc.
244. M.-C. Caillet énonce ainsi que « l'organisation de ces relations à travers la RSE, a la
particularité d'affecter les domaines relevant en théorie du pouvoir d'organisation propre à chaque
société en vertu de l'autonomie juridique et du pouvoir de gestion qui en découle », préc., n° 374.

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