Bibliothèque de droit public - Tome 298 - Les théories jurisprudentielles en droit administratif - 177

UN CONCEPT SPÉCIFIQUE DE REPRÉSENTATION

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conclusions ont largement inspiré la motivation de l'arrêt constate « la pénétration
de la notion d'enrichissement sans cause en droit administratif », tout en admettant
que « dans les arrêts du Conseil d'État où figure cette expression "d'enrichissement
sans cause", les situations envisagées [ne] répondent [pas] à un type juridique parfaitement caractérisé »135. Afin de promouvoir le « principe de l'enrichissement sans
cause, principe général applicable, même sans texte à la matière des travaux
publics »136, il reprend cinq critères d'application du droit civil, à partir desquels il
contrôle le cas d'espèce : en cas d'enrichissement de l'État, d'appauvrissement de la
société en corrélation avec l'enrichissement de l'État sans que celui-ci ait une cause
juridique et si la société n'a pas d'autres voies de droit qui se présentent à elle, cette
dernière peut alors demander une indemnité au titre de l'enrichissement sans cause
devant le juge administratif. Suivant son commissaire du gouvernement, le Conseil
d'État fonde sa décision sur le « principe de l'enrichissement sans cause, principe
général applicable, même sans texte à la matière des travaux publics ». Cette formule est reprise dans deux arrêts de Section de 1966 qui participent, avec les conclusions qui y sont rattachées, à asseoir définitivement la portée d'une théorie137. Le
premier élargit son application à un litige entre deux personnes publiques, le second
à un marché de fournitures - et non de travaux - mettant en jeu des sommes
importantes. Le commissaire du gouvernement Fournier, dans la seconde affaire,
reconnaît se fonder sur le système élaboré en 1961 : « La théorie a été faite dans des
conclusions de Cl. Heumann sur l'affaire Ministre de la Reconstruction c/ Société
Sud-Aviation, jugée le 14 avril 1961. Elle a été reprise récemment devant vous par
M. Galmot à l'occasion de l'affaire Ministre de la Reconstruction c/ Ville de Bordeaux jugée le 14  octobre 1966  : Nous nous bornerons donc à rechercher si les
conditions qu'ils ont dégagées sont ou non remplies. »138. Le Conseil d'État manifeste l'application de la théorie au cas d'espèce en précisant que la société « est
fondée à demander à être indemnisée de ceux des débours utiles, à l'exclusion de
tout bénéfice, qu'elle a engagés pour assurer ses fournitures, qui n'ont pas été compensés par les acomptes déjà perçus et dont l'État a profité »139.
455. Si les vocables de « théorie » et de « principe » sont simultanément généralisés dans le discours juridique et peuvent être utilisés indifféremment140, ils
désignent pourtant des catégories discursives distinctes. La « théorie jurisprudentielle » illustre la jurisprudence selon laquelle - originellement en matière de tra135. Concl. Cl. Heumann sur CE, Sect., 14 avril 1961, Ministre de la Reconstruction c/ Société
Sud-Aviation, Rec., p. 236, respect. p. 657 et pp. 658-659.
136. Cependant, ainsi que le souligne R. Chapus, le principe ne se limite pas à la matière des
travaux publics, le considérant devant être compris implicitement - « notamment » en matière de
travaux publics : CE, sect., 2 décembre 1996, Société France-Reconstruction-Plan, Rec. p. 635 : cas de
fournitures assurées sans qu'aucun contrat n'ait été conclu avec la société ; CE, 27 janvier 1975, Dame
Petit, Rec. p. 448 ; CE, sect., 25 février 1977, Mme Loyer, Rec. p. 117 : cas d'enrichissement sans cause
se posant à l'égard d'agents publics.
137. CE, Sect., 14 octobre 1966, Ministre de la construction c/ Ville de Bordeaux, Rec., p. 537 ;
concl. Galmot, RDP, 1967, pp. 159-169 (« la théorie de l'enrichissement sans cause », p. 164 et 166) et
CE, Sect., 2 décembre 1966, Société France-Reconstruction-Plan, Rec. p. 635, concl. Fournier, AJDA,
1967, pp. 183-190.
138. Ibidem, p. 188.
139. CE, Sect., 2 décembre 1966, Société France-Reconstruction-Plan, Rec., p. 635.
140. G.  Bayle, L'enrichissement sans cause en droit administratif, thèse, LGDJ, Aix-Marseille,
1973 : la section 3 de sa première partie « Genèse du principe général de l'enrichissement sans cause »
est intitulée : « L'élaboration d'une théorie », l'auteur montrant par là qu'il ne fait pas grand cas des
différentes dénominations.
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