Bibliothèque de droit public - Tome 298 - Les théories jurisprudentielles en droit administratif - 282

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LES THÉORIES JURISPRUDENTIELLES EN DROIT ADMINISTRATIF

liquide. Au sens figuré, il peut désigner un élément substantiel qui caractérise à lui
seul les propriétés fondamentales d'un ensemble. Le processus d'intégration normative des théories jurisprudentielles, isolé pour être décrit, n'est pas original par
rapport à la formation du droit administratif ; il en est symptomatique. Il s'inscrit
dans un mouvement plus général, relatif tant au contenu des normes applicables
en droit administratif (a) qu'à la nature même de celui-ci (b).
a) Théories jurisprudentielles et contenu du droit administratif : d'un droit
d'exception à un droit d'adaptation
738. Les théories jurisprudentielles amènent à sanctionner un comportement a priori légal et institutionnalisent une norme d'exception. Elles sont à ce
titre très représentatives du mode de formation traditionnel du droit administratif. Historiquement, le droit administratif français est conçu comme un droit
d'exception à côté du droit privé. La possibilité de soumettre l'administration
au droit est conditionnée au caractère spécial de ce droit, comme le laisse entrevoir la justification originelle de la responsabilité administrative273. Seul le
caractère exceptionnel et spécial des règles de droit administratif peut justifier
que l'administration s'y soumette. L'exception est donc au fondement même de
la formation de ce droit. Sans fondement textuel, c'est par le biais de la jurisprudence que s'est progressivement élargi le champ des règles dérogatoires au droit
commun que constitue aujourd'hui le droit administratif. La pratique juridictionnelle a ainsi contribué à asseoir son autonomie. Celle-ci reconnue, c'est par
exception aux règles du droit commun que le droit administratif a pu évoluer.
La répétition successive de dérogations a permis d'instaurer « un permanent de
fait par touches successives »274.
739. En ce sens, l'exception est le processus caractéristique à partir duquel le
juge administratif, par exclusion du donné juridique, construit une nouvelle norme
plus adaptée aux réalités sociétales. À cet égard, les théories jurisprudentielles apparaissent comme une réduction normative représentative du droit administratif et
offrent au juge, auquel est dévolue la sanction de son irrespect275, une contribution
déterminante dans l'adaptation du système juridique.
740. Contingentes à la nature des circonstances, les théories peuvent alors
apparaître comme un instrument normatif préjudiciable à la sécurité juridique.
Pourtant, elles peuvent également être vues comme une soupape de sécurité pour
la légalité traditionnelle, car elles remplissent une fonction palliative visant à
maintenir un certain ordre des rapports sociaux. Elles sont un bon compromis
contre l'excès de légalisme, c'est-à-dire l'application aveugle de la règle sans préoccupation des situations concrètes. L'exception qu'elles introduisent permet
d'échapper à la sanction qui aurait prévalu devant le juge judiciaire. Celui-ci, en
effet, ignorant des réalités administratives, est moins propice à aménager en ce
sens la légalité, comme en témoigne par exemple la réception longtemps divergente de la théorie de l'imprévision par les deux ordres de juridiction.
Les théories jurisprudentielles sont d'ailleurs souvent présentées dans le
discours juridique comme susceptibles de pallier les inconvénients d'une
273. Concl. M. R. E. David sur TC, 8 février 1873, Blanco, D., 1873, III, p. 20.
274. A. Holleaux, La fin des règles générales, op. cit., pp. 22-23.
275. Y. Gaudemet, « Légalité (principe de) », in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de la
culture juridique, op. cit., p. 920.

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