Droit et Économie - L'ordre public économique - 242

242 L'ORDRE PUBLIC ÉCONOMIQUE

C. Le juge comme vecteur d'intégration de l'ordre public économique
international ?
Il y a lieu de s'interroger dans ces formes de régulation sur la place du juge
qui devient tout aussi centrale qu'elle ne le devient en droit interne français. En effet, l'arbitre international, dont le domaine de prédilection est
celui des investissements, et avant même le mouvement de juridictionnalisation, s'était déjà immiscé dans une forme d'intégration d'un ordre public
économique de la lex mercatoria, notamment à propos de la corruption, non
sans mimétisme avec les vices du consentement visés par la convention
de Vienne de 1969 à propos du droit des traités39.
Ceci est encore plus remarquable pour l'OMC. En effet, l'invocation d'une
exception par un membre de l'OMC peut donner lieu à un contentieux qui
sera alors traité par le propre juge de l'OMC, l'ORD. Invoquer par exemple
une violation d'une norme fondamentale du travail, la contradiction avec
un accord environnemental ou encore la contradiction avec l'application
de dispositions découlant des normes du FMI ne peut donner lieu qu'à
une action devant l'ORD, faute d'une autre juridiction interétatique
capable de s'en saisir, mais aussi faute d'un système judiciaire centralisé
en droit international en dépit du phénomène connu et remarqué de juridictionnalisation du droit international. C'est à ce point que l'on remarque
une double caractéristique d'un éventuel ordre public économique international comparé au droit interne. D'une part, la juridictionnalisation permet de jauger et fonder l'ordre juridique, d'autre part, le système est
« internalisé », s'apparentant plus au système de règlement des différends
propres aux régulateurs nationaux sectoriels qu'à une véritable juridiction,
à la différence qu'aucun recours n'est possible devant une juridiction
« suprême ».
L'absence d'un véritable organe judiciaire international, donc d'un système
judiciaire centralisé et unique, semble limiter la prise en compte d'un ordre
public, ou du moins d'un intérêt général équivalent. Néanmoins, outre
qu'il existe aujourd'hui de nombreuses juridictions internationales40, à
défaut d'un système judiciaire, d'une part, le dialogue - horizontal - des
juges n'est pas un vain mot en droit international, d'autre part, la juridiction devient de plus en plus obligatoire pour ses principaux sujets (les
39. V. F. LATTY, « Le droit transnational économique », in Droit de l'économie internationale, op. cit.,
p. 109 et s., p. 112-113 ; Pierre LALIVE, « Ordre public transnational (réellement international)
et arbitrage international », Rev. arb, 1986, nº 3, p. 331 ; P. KAHN, « Les principes généraux de
droit devant les arbitres du commerce international », JDI 1989, nº 2, p. 313.
40. À cet égard, ce rôle d'intégration n'est pas réservé à la sphère économique, mais joue dans
des secteurs plus généraux. Ainsi, en matière d'ordre juridique général en droit international, l'affirmation de la norme impérative, faute d'un organe désigné dans la convention
de Vienne pour qualifier son contenu, s'est faite par le juge.

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