Droit et Économie - L'ordre public économique - 395

CONCLUSION 395

garantir. C'est un changement de contenu, ce n'est pas un changement de
notion.
L'expression amène évidemment à celle de police, et plus spécialement de
police administrative, classiquement définie comme ayant pour objet d'assurer l'ordre public. À la suite de Maurice Hauriou, l'ordre public est non
moins classiquement défini comme étant seulement un « ordre matériel et
extérieur considéré comme un état de fait opposé au désordre »28, couvrant
la sécurité, la salubrité et la tranquillité. Mais cette définition ne vaut que
pour la police générale, et particulièrement pour la police municipale.
Même pour elle, elle est trop limitée puisque l'on sait désormais que l'ordre
public dont est l'objet la police générale, y compris municipale, englobe des
aspects immatériels, tel le respect de la dignité de la personne humaine29,
et que d'autres aspects immatériels sont l'objet de nombreuses polices spéciales, telles celles qui, dans un but culturel ou écologique, assurent la protection de certains biens (monuments et sites), révélant l'existence d'un
ordre public immatériel30.
Il en est de même des dispositifs qui régissent l'économie : ils tendent à établir un ordre public économique. C'est un ordre en tant qu'il comporte
une certaine organisation, une certaine structure, qu'il range des éléments
divers dans un certain cadre, qu'il implique stabilité et permanence. Il est
public en ce qu'il concerne la collectivité dans son ensemble. Il est économique en ce qu'il porte sur la production, la distribution et la consommation des richesses - ce qu'exprime exactement l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence en disposant qu'elle
s'applique à toutes les activités de production, de distribution et de services.
L'ordre public croise l'ordre juridique. Celui-ci est un système de droit
organisé, homogène, ayant une unité ; il est constitué d'un ensemble de
normes structurées autour de principes reliés les uns et autres31. Tel est
bien le cas de celles qui régissent l'économie.
Elles se décomposent en différents éléments (on n'ose dire diverses branches). On peut parler d'un ordre public économique général, englobant
tous les aspects de l'économie : tel est le cas de la concurrence (c'est ce
sens qu'on évoque un droit public de la concurrence). Il existe aussi des
28. M. HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, 12e éd., 1933, p. 549 (réimpr. Dalloz
2002).
29. CE, ass., 27 oct. 1995, Rec. 372, concl. P. FRYDMAN ; Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 21e éd., 2017, nº 91.
30. M.-O. PEYROUX-SISSOKO, L'ordre public immatériel en droit public français, LGDJ, Bibl. constitutionnelle, t. 149, 2018 ; P. DELVOLVÉ, « L'ordre public immatériel », RFDA 2015, 890 ; J.-E. SCHOETTL,
« Réflexions sur l'ordre public immatériel », RFDA 2018, 327.
31. C. LEBEN, Vº Ordre juridique, in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003.
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