Contextes - Penser l'ancien droit privé - 12

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PROLÉGOMèNES

intitulé Penser l'ordre juridique médiéval et moderne3, qui tentait alors
d'évaluer la tendance des historiens des facultés de droit à jeter un voile
dogmatique, sinon trompeur, sur les réalités normatives du Moyen Âge et
des Temps modernes4.
À l'origine de ce cycle de colloques, se trouve en vérité l'interrogation
récurrente pour les historiens du droit de la place de leurs travaux au sein
des recherches juridiques et historiques. Notre ambition est de revenir sur
l'ambivalence méthodologique de l'histoire du droit5, à l'aide des réflexions
de la théorie du droit et de l'historiographie. Le premier colloque, qui s'est
tenu à l'université d'Auvergne les 21 et 22 janvier 2016, a ainsi placé au cœur
des débats la pertinence du recours à l'anachronisme des concepts. Il en va
tout autant du second colloque, organisé à l'université de Bordeaux les 9
et 10 mars 2017, consacré cette fois-ci, non à l'ordre juridique médiéval et
moderne, mais à l'écriture de l'histoire du droit privé. La question du rôle de
ce « péché entre tous irrémissible » - que serait, selon Lucien Febvre, l'anachronisme - dans l'opération historiographique y occupe également une
place décisive6. De ces débats, dont le présent volume rassemble les contributions, il ressort que l'historien du droit, écartelé entre rétrospective historique
et science juridique, ne peut faire l'économie d'une réflexion sur sa pratique.

I - RÉTROSPECTIVE HISTORIQUE
ET SCIENCE JURIDIQUE
Dans sa fonction éminemment rétrospective, l'histoire du droit demeure
une science historique souvent considérée comme un simple accessoire
3. Penser l'ordre juridique médiéval et moderne. Regards croisés sur les méthodes des
juristes (I), dir. N. Laurent-Bonne et X. Prévost, Paris, LGDJ, 2016.
4. N. Laurent-Bonne et X. Prévost, « Observations sur l'anachronisme des concepts »,
ibid., p. 8.
5. J.-L. Halpérin, « L'histoire du droit constituée en discipline : consécration ou repli
identitaire ? », Revue d'histoire des sciences humaines, t. 4, 2001 [La science juridique entre
politique et sciences humaines (xixe-xxe siècles)], p. 9.
6. On s'inspire ici des remarques formulées par Patrick Boucheron dans Faire profession
d'historien, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 37 et 158. L'auteur ajoute, après
avoir cité L. Febvre : « Étrange rhétorique, en vérité, que celle de la faute et de la rémission, qui contribue sans doute à faire de l'anachronisme le dernier tabou de la tribu des
historiens. Car il faudrait se souvenir, avec Olivier Dumoulin, que si l'anachronisme est le
péché originel des historiens, celui-ci demeure la source de la connaissance. Marc Bloch ne
dit pas autre chose dans son Apologie pour l'histoire : par définition, la connaissance historique est un processus qui s'exécute à rebours de l'ordre chronologique ». Il cite ensuite un
article indispensable sur cette question : N. Loraux, « Éloge de l'anachronisme en histoire »,
Le Genre humain, t. 27, 1993, p. 23-39.
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