Contextes - Penser l'ancien droit privé - 146

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CONTRATS ET PROPRIÉTÉ

ont entendu faire (conformément à l'opposition dire/faire développée par
Quentin Skinner dans le champ de l'histoire des idées politiques).
Ce qu'ils entendent faire, à partir du xvie siècle, c'est la mise en forme/en
ordre d'un droit français des contrats, en même temps qu'ils affirment plus
généralement l'existence d'un droit national des François. Cette volonté
explique notamment l'affirmation bien connue de Du Moulin selon laquelle
hodie in praxis, i.-e. en France, les formalités de la stipulatio ne sont plus
nécessaires pour former un contrat, ou encore, dans le Dictionnaire de
Claude-Jospeh de Ferrière, la succession de la présentation de ce qu'étaient
les contrats « chez les Romains » puis de ce que « l'on entend par contrat
parmi nous » (avec ces deux ruptures importantes que sont l'affirmation du
principe consensualiste et la généralisation de la bonne foi). Il existe donc
en France des règles relatives aux différents negotia (dont on remarquera
au passage l'origine le plus souvent romaine). Ces règles commencentelles à former un droit des contrats clairement identifié comme branche
ou subdivision homogène d'un système plus général ? On peut émettre
l'hypothèse qu'une telle construction-identification est assez tardive, et
qu'elle procède de la doctrine elle-même (c'est dans ce corpus doctrinal que
se présente véritablement le droit des contrats, i.-e. la mise en cohérence
de règles primaires au sein d'un ordonnancement essentiellement pensé,
dans des systèmes non codifiés, par la doctrine). Or les Traités particuliers
consacrés aux contrats sont, dans la littérature juridique française d'Ancien
Régime, peu nombreux (ils le sont davantage du côté des théologiens et
des canonistes, dont l'attitude appelle cependant deux remarques : d'une
part, la matière contractuelle y est très souvent perçue comme une occasion
d'expliciter et d'appliquer la notion plus générale de restitutio ; d'autre
part, les opinions ne sont pas toujours univoques quant à délimiter ce
qui relève du droit des contrats14). On peut cependant penser à celui de
Despeisses15. Plus rares encore sont ceux qui embrassent l'ensemble du
droit des obligations, à l'instar du Traité des obligations de Pothier, qui fait
figure d'exception16 mais qui donne à sa définition inaugurale de l'obliga14. Par exemple, le De contractibus et restitutione tractatus (Lyon, 1622) de M. Bonacina
inclut in fine l'étude des testaments et des legs. Même remarque à propos du Tractatus
de contractibus in genere et in specie de P. Wadding (dans l'édition de 1644 par exemple).
15. Dans : Œuvres de M. Antoine Despeisses, Toulouse, J. Dupleix, 1778, t. i. Sur l'émergence d'un droit commun des contrats, cf. D. Deroussin, « Éléments pour une généalogie
du livre iii, titre ii du Code civil », Le droit des obligations d'un siècle à l'autre, G. Pignarre
(dir.), Paris, 2016, p. 33 et sv.
16. C'est sans doute en préparant son commentaire de la coutume d'Orléans que Pothier
a conçu la nécessité de ce traité. L'introduction générale du commentaire signale en effet
les trois espèces de lois coutumières qui forment le droit coutumier (et qui correspondent
chacune aux trois statuts, i.-e. aux trois catégories de dispositions juridiques qui règlent
l'état des personnes, ou qui ont pour principal objet les choses ou la forme extérieure des
actes juridiques). Ces trois espèces expriment une distinction des règles juridiques fondée

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