Contextes - Penser l'ancien droit privé - 160

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CONTRATS ET PROPRIÉTÉ

contenu de ces obligations, parce qu'une telle impossibilité ne correspond
pas à la manière dont les contrats ont été envisagés à toutes les époques.
Notre distinction moderne doit être utilisée avec circonspection précisément parce qu'elle renferme autre chose qu'un point de vue et une finalité
techniques (de catégorisation des règles relatives aux contrats) et reflète une
certaine idéologie qui peut être résumée comme suit : la phase de formation,
pendant laquelle le contenu du contrat est déterminé, obéit à des règles
propres, tandis que l'exécution, régie elle aussi par des règles propres mais
subordonnées aux premières, n'est conçue que comme application littérale du résultat obtenu lors de la première phase. Cette distinction n'est
ainsi rien autre chose que l'expression apparemment technique d'un principe : l'intangibilité du contrat, auquel il faut tout sacrifier ou presque. Elle
exprime finalement un point de vue dogmatique, dont les prémisses (car
quelques flottements sont perceptibles52) peuvent être découvertes dans la
codification napoléonienne53. Ce qui change en effet avec la codification,
52. D'une part en effet, le Code parle de la validité du contrat (conditions de validité)
plutôt que des règles de formation du contrat ; c'est une manière de viser l'ensemble des
conditions qui permettent d'intégrer dans l'ordre juridique sous l'appellation de contrats les
manifestations de volontés. Ces conditions de validité ne sont pas pour Bigot de Préameneu
notamment autre chose que « les élémens nécessaires pour former une obligation valable »
(P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Paris, 1836, t. XIII,
p. 229). Mais il est permis de se demander si la question de la validité n'est pas plus large que
celle de la formation du contrat, par exemple si l'on considère les règles relatives à la capacité
(dont on ne doute pas qu'elles soient des règles de validité, mais dont on peut se demander
si elles concourent directement à l'élaboration du contenu du contrat). D'autre part, après
avoir indiqué que le titre iii (livre iii) est composé de « deux parties principales », celle qui
traite « de la manière dont se forment les obligations » et celle qui traite « de la manière
dont elles s'éteignent », Favard inclut dans la première le chapitre consacré aux dispositions
préliminaires, dont il est difficile de dire qu'il traite la question de la formation des contrats,
ainsi que le chapitre iii dédié aux effets des obligations, dans lequel de nombreux articles
(1134 al. 1, 1138, 1139 par exemple) concernent plutôt la question de l'exécution du contrat
formé (P.-A. Fenet, op. cit., t. XIII, p. 313).
53. Exposant devant le Corps Législatif le chapitre i du titre relatif au contrat de vente
consacré à la nature et à la forme du contrat de vente, Portalis en vient à évoquer la question
du caractère translatif de propriété du contrat pour affirmer que « dans les principes de notre
droit français le contrat suffit » à opérer ce transfert, sans qu'il soit besoin d'une tradition.
C'est alors qu'il propose, pour mieux comprendre les raisons de ce caractère translatif,
de distinguer « le contrat en lui-même d'avec son exécution », précisant que l'exécution
« n'est pas le contrat lui-même » parce qu'elle « suppose le contrat » (P.-A. Fenet, op. cit.,
p. 112). Tout cela repose sur une conception particulière du contrat qui exalte, d'une part,
la volonté et, d'autre part, la liberté ou plutôt son corollaire : la contrainte (c'est parce que
les individus sont libres de contracter ou pas qu'ils sont tenus immanquablement de faire
ce qu'ils ont promis). Évidemment, Portalis n'est pas le premier à évoquer, pour fonder
la force obligatoire du contrat, le « devoir » d'être « fidèle à la foi promise », mais, dans le
contexte particulier de la codification napoléonienne, cet appel à la fides isole l'exécution
de la formation (les actes d'exécution « dérivent » du contrat comme « l'effet dérive de sa
cause » et « ne doivent pas être confondus avec le contrat ») et place la première dans la
plus stricte dépendance par rapport à la seconde (les actes d'exécution, par exemple dans
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