Contextes - Penser l'ancien droit privé - 163

PENSER L'ANCIEN DROIT DES CONTRATS

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que le concept d'identité n'est pas opérant, parce que le droit comme la
culture se transforment dans un mouvement incessant ? C'est dans ce travail
de transformation que l'histoire du droit peut prendre sa part en enrichissant le stock des ressources : « non pas un tiroir de plus à ouvrir, à remplir,
mais un outil qui serve : à ré-envisager nos propres notions - à reformuler
nos propres interrogations. À revenir sur notre impensée »58. Dans cette
perspective, notre ancien droit des contrats n'apparaît plus nécessairement comme un segment historique homogène - au point qu'on pourrait
abandonner jusqu'à l'expression « ancien droit des contrats » - ni comme
un moment pris dans un continuum qui le dépasse, mais plutôt comme
un ensemble de ressources-expériences propres à alimenter les réflexions
contemporaines suscitées par les développements du droit, au même titre
que les ressources-expériences qui constituent ce qu'on appelle le droit
romain. On pourra objecter qu'une telle conception place sur un même
pied, en leur donnant le même statut (de ressources ou de potentiels susceptibles de participer à la constitution de l'identité de notre droit59) notre
ancien droit et le droit romain par exemple, alors qu'il serait davantage
tentant d'inscrire notre ancien droit dans une filiation directe avec notre
droit contemporain. Mais telle est la conséquence nécessaire d'une attitude
qui, d'un côté, doute de ce que le droit soit redevable d'une véritable identité conçue comme mêmeté60 (i.-e. de l'idée qu'un droit - un système de
droit - puisse être irréductible à tout autre et se définir comme un idem, qui
ne change pas) et qui, d'un autre côté, croit que la (co-) présence, dans un
système juridique, de règles ou de principes élaborés par et empruntés à un
autre système (ici plus ancien), dans une dynamique incessante, relève non
pas de l'évidence ou de la nécessité (selon laquelle le droit serait par nature
un phénomène historique) mais de choix. Au final, on aura intégré l'histoire
du droit dans la dogmatique juridique - distinguée de la science du droit
positif, dont l'objet est de décrire le droit appliqué ou de chercher à anticiper la solution qui sera posée par le juge à travers des « propositions de
droit » - en lui restituant sa dimension subjective. Au sein de la dogmatique
58. Cf. Fr. Jullien, Chemin faisant, connaître la Chine, relancer la philosophie, Paris,
2007, p. 50.
59. Le terme est employé en Allemagne notamment par H. Leppin, Das Erbe der Antike,
Münschen, 2010, p. 14 et Th. Duve, « Translation du droit : réflexions sur la méthode
de recherche en histoire du droit dans une perspective européenne », Le livre jubilaire.
Centenaire du Dahir formant Code des obligations et contrats, Fèz, 2017, p. 149 et s. Ce
dernier se place dans une position « constructiviste modérée de l'histoire » qui cherche
à concilier le traitement du passé comme potentiels réactivables et la contrainte liée au fait
que « nous ne pourrions pas simplement du jour au lendemain nous attribuer une nouvelle
histoire et avec elle, une nouvelle tradition » (p. 150). Cf. aussi M. Stolleis, Rechtsgeschichte
schreiben. Rekonstruktion, Erzählung, Fiktion ?, Bâle, 2008.
60. Cf. P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, 1990.

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