Contextes - Penser l'ancien droit privé - 187

ABSTRACTION ET ANACHRONISME

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On remarquera par ailleurs, avec Talamanca91, que le passage de
Gaius 3.176 se clôt par l'observation qu'une telle stipulation de l'esclave
est ac si postea a nullo stipulatus fuissem. Cela signifie que la stipulation de
l'esclave est comme une stipulation qui n'avait été effectuée par personne.
Il n'est pas alors question de l'inexistence juridique, mais d'une véritable
inexistence factuelle de cette stipulation. Pour lui nier tout effet, même
simplement négatif, le juriste avait recours à une fiction. Ce procédé est
attesté à propos d'autres hypothèses. C'est par exemple le cas des conditions
impossibles ou illicites, qui dans le domaine testamentaire sont considérées
comme non écrites pour sauver le reste du testament92.
Talamanca a sans doute eu raison de mettre l'accent sur le fait que l'acte
juridique défini nullus n'est pas nécessairement dépourvu d'effets. En effet,
le caractère rétroactif de la nullité s'explique aujourd'hui par le fait que la
nullité est considérée comme ayant son origine dans un défaut structurel
de l'acte juridique. Il n'en allait pas ainsi en droit romain : il n'y avait
pas d'assimilation entre nullus et un vice génétique. Cet adjectif était bien
évidemment employé dans des hypothèses, comme le prix dans une vente,
dans lesquelles il manquait un élément du contrat que l'on peut considérer
essentiel. Il en va ainsi dans l'extrait du livre 1 Ad Sabinum d'Ulpien, qui
a été transmis au Digeste 18.1.2.1 :
Sine pretio nulla venditio est : non autem pretii numeratio, sed conventio
perficit sine scriptis habitam emptionem.93

Ulpien affirmait clairement que sans le prix il n'y avait pas de vente.
En employant les catégories de la pandectistique il s'agit ici d'un contrat
qui n'est pas valide et qui est nul. Pourtant, le même adjectif nullus
était employé par Julien, dans un extrait du livre 25 de ses Digesta au
Digeste 18.4.19 à propos d'une vente soumise à une condition suspensive
qui ne s'était pas réalisée :
Multum interest, sub condicione aliqua obligatio veneat an, cum ipsa
obligatio sub condicione sit, pure veneat. Priore casu deficiente condicione
nullam esse venditionem, posteriore statim venditionem consistere : nam
si Titius tibi decem sub condicione debeat et ego abs te nomen eius emam,
confestim ex empto vendito agere potero, ut acceptum ei facias.94
91. M. Talamanca, « Inesistenza, nullità... », loc. cit., p. 32 sq.
92. Pour des exemples, voir : M. Talamanca, « Inesistenza, nullità... », loc. cit., p. 35, n. 188.
93. Ulp. 1 ad Sab. D. 18.1.2.1 : « La vente dépourvue de prix est inexistante. Toutefois,
ce n'est pas le paiement du prix qui perfectionne la vente qui a eu lieu sans écrit, mais la
convention. »
94. Jul. 25 dig. D. 18.4.19 : « Il est très différent si une certaine obligation est vendue sous
condition, ou, puisque l'obligation même est sous condition, elle est vendue pure. Dans le

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