Contextes - Penser l'ancien droit privé - 193

ABSTRACTION ET ANACHRONISME

185

italienne112 n'est pas un standard pour interpréter les sources romaines :
ce n'est sans doute pas un argument valable en tout temps et en tout lieu.
À la même époque, le concept de nullité relative que Di Paola a critiqué
comme absurde, était employé en France. On remarquera en outre que les
observations de Di Paola ont été démenties par l'évolution du droit italien.
La législation spéciale a eu souvent recours à la nullité relative, qui s'ajoute
alors aux catégories de la nullité absolue et à l'annulabilité113.
L'option la plus neutre pour décrire le domaine de la pathologie contractuelle à Rome est de parler d'invalidité du contrat. Ce terme, de matrice
pandectiste, existe dans la langue juridique française114, mais il n'appartient
pas aux catégories traditionnelles du droit français115. L'extranéité du terme
« invalidité » aux catégories typiques du droit français constitue sans doute
un inconvénient puisque elle rend le discours du romaniste plus difficile
d'accès au non spécialiste. En l'espèce, un tel désavantage ne semble pas
rédhibitoire. En effet, il ne s'agit pas d'une expression dont la compréhension est difficile car son contraire, la validité, est utilisée par la doctrine
française116. En outre, elle a une qualité essentielle qui la rend préférable aux
catégories de la nullité, de l'inexistence et de l'inefficacité. Le mot invalidité
n'engendre pas l'équivoque qu'en droit civil romain il existe une opposition nette entre le contrat entièrement efficace ou le contrat entièrement
dépourvu d'effets. Le droit romain connaît un domaine large et complexe de
pathologie qui inclut des actes qui peuvent engendrer des effets, ne serait-ce
que des effets négatifs comme dans les hypothèses de novation précédemment évoquées.
Lorsque l'on parle d'invalidité du contrat, il faut toutefois garder
à l'esprit que les textes romains ne distinguaient pas de manière nette
le vocabulaire de l'invalidité de celui de l'inefficacité physiologique du
l'expression nullité relative dans le Code de 1942 voir p. 103 sq. ; M. Crisafi et E. Trunfio,
Le patologie contrattuali. Nullità, annullabilità e annullamento, Torino, Giappichelli, 2007,
p. 128 sq. ; F. Di Marzio, La nullità..., op. cit., p. 641 sq.
112. Une partie de la doctrine italienne a refusé la catégorie de la nullité relative puisqu'elle
a été considérée comme contradictoire car « la nullità può inficiare il negozio privandolo
della sua efficacia, nella sua interezza, per tutti e non solo per alcuni, anche se meritevoli
di protezione. » Voir : M. Crisafi et E. Trunfio, Le patologie contrattuali..., op. cit., p. 129.
113. P. M. Vecchi, « Catégories juridiques et faux amis... », loc. cit., p. 109.
114. G. Cornu, Vocabulaire juridique, 10e éd., Paris, PUF, 2014, p. 857.
115. Le terme invalidité est néanmoins dans le Code des obligations suisse dans le domaine
contractuel (art. 26, 39, 320).
116. Par exemple, M. Mekki, « Nullité et validité en droit des contrats : un exemple de
pensée par les contraires », Revues des contrats, 2006/3, p. 679 sq. ; Y. Buffelan-Lanore
et V. Larribau-Terneyre, Droit civil. Les obligations, 15e éd., Paris, Sirey, 2017, p. 465 intitulent le chapitre consacré à la pathologie contractuelle « la sanction des conditions de
validité du contrat ».
Contextes - Penser l'ancien droit privé

Table des matières de la publication Contextes - Penser l'ancien droit privé
