Contextes - Penser l'ancien droit privé - 199

LE MÉTACONCEPT DE PROPRIÉTÉ

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chose. La propriété doit en effet être sanctionnée en justice. Ce pouvoir
juridiquement protégé s'oppose donc à celui qui s'exerce par la force ou
par la ruse. Partant, le métaconcept de propriété n'est pas susceptible d'être
identifié dans des groupements d'êtres humains qui n'ont pas recours au
droit, mais où il existe pourtant une domination des choses par les hommes.
De même, il existe encore aujourd'hui des hypothèses de maîtrise individuelle des choses qui ne sont pas reconnues par le droit. Le métaconcept de
propriété étant proposé comme un droit subjectif nécessairement reconnu
par un droit objectif, il exclut de sa définition les différents cas de maîtrise
des choses qui peuvent être qualifiés de « propriétés informelles »12.
La qualité de droit subjectif de la propriété permet en outre de distinguer
le métaconcept de propriété, de la propriété envisagée comme une chose. Si
la propriété est un droit subjectif, alors elle n'est pas une chose - pas même
une chose incorporelle. Elle est au contraire un pouvoir qui s'exerce sur
une chose. Lorsque le terme « propriété » désigne en revanche une chose,
celle-ci peut être l'objet d'un pouvoir. La distinction est nécessaire puisque
dans le langage courant, la dimension objective de la propriété l'emporte
sur sa dimension subjective. Le mot « propriété » est ainsi plus fréquemment employé par le profane pour désigner sa chose, plutôt que le droit
qu'il exerce sur cette chose. Cet usage du signifiant se trouve également
dans le droit positif : à l'article 644 du Code civil notamment, la « propriété
qui borde une eau courante » désigne le fonds et non le droit sur ce fonds.
Déjà en droit romain, et en droit romano-canonique, la proprietas désigne
généralement la chose appropriée, voire la qualité objective de la chose
à être appropriée. De même qu'à Rome et au Moyen Âge, la formule « usus
fructus » désigne plus souvent une chose incorporelle, à savoir celle formée
par les qualités objectives d'une chose permettant un usage et produisant
des fruits. Pourtant, depuis l'Époque moderne, le terme « usufruit » tend
lui aussi à être identifié à un droit subjectif. Pour des raisons pratiques, les
termes « propriété » et « usufruit » sont donc ici réservés à la désignation de
droits subjectifs. En outre, pour distinguer le droit subjectif qu'est l'usufruit, de son objet, cette chose sera désignée par l'expression « l'usage et les
fruits » - traduction littérale de la formule romaine objective « usus fructus ».
Le métaconcept de propriété est alors défini comme le pouvoir légitime
et exclusif qu'une personne exerce sur une chose perpétuelle.
Sans présenter une véritable originalité, cette définition a vocation
à dépasser les lacunes et les contradictions des différentes conceptions
contemporaines de la propriété. Le métaconcept ne devant toutefois pas
12. J.-L. Halpérin, « Propriétés et droit subjectif : deux destins liés ? Conférence faite au
Japon aux universités Nanzan et Keio, 2010 », [en ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/
hal-00460386/document].

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