Contextes - Penser l'ancien droit privé - 201

LE MÉTACONCEPT DE PROPRIÉTÉ

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des utilités de la chose, jouir de ses fruits ou encore disposer de ses produits.
La propriété n'est toutefois pas définie comme un ensemble déterminé
de prérogatives : il ne s'agit pas nécessairement d'un pouvoir d'exclure,
d'user, de jouir et de disposer d'une chose. Les choses qui, en raison de la
loi ou de leur nature, sont dépourvues de certaines qualités comme celle
d'offrir une utilité matérielle, celle de produire des fruits, ou encore celle
d'être aliénée, ne sont alors pas exclues des objets potentiels du droit de
propriété14. Suivant la définition du métaconcept de propriété, le pouvoir
exclusif s'exerçant sur une chose stérile est de même nature que celui qui
porte sur une chose dont les fruits naturels ou civils sont susceptibles
d'être nombreux. Le pouvoir exclusif mais limité dans son contenu parce
qu'exercé sur une chose n'offrant que peu d'avantages peut ainsi être
qualifié de propriété au sens du métaconcept.
Les hypothèses dans lesquelles une chose est commune à plusieurs
personnes qui exercent concurremment sur elle un même pouvoir ne
permettent pas l'affirmation d'un droit de propriété. Il ne fait en effet aucun
doute qu'aucune ne dispose d'un pouvoir exclusif. La question de l'exclusivité soulève en revanche davantage de difficultés en cas de démembrement.

2. L'exclusivité et le démembrement
a. La perte de l'exclusivité par le démembrement du droit subjectif
À l'Époque contemporaine, la majeure partie de la doctrine juridique
française entend le démembrement de la propriété comme un fractionnement des prérogatives du propriétaire, afin qu'elles soient exercées par
différents titulaires sur une même chose15. Le terme « propriété » employé
dans l'expression « démembrement de propriété » est ainsi entendu dans
un sens subjectif. La constitution d'usufruit est alors présentée comme
l'opération par laquelle la faculté de disposer juridiquement de la chose est
reconnue au nu-propriétaire, quand les prérogatives d'user et de jouir de la
chose sont offertes à l'usufruitier. Dans cette hypothèse, chacun exerce ses
facultés de manière exclusive : le nu-propriétaire peut décider unilatéralement d'aliéner de la chose, quand seul l'usufruitier en use et en jouit. Dans
la définition du métaconcept de propriété, l'exclusivité implique toutefois que l'ensemble des prérogatives sur une chose appartient à une seule

14. Cette idée est notamment développée par William Dross : W. Dross, « Une approche
structurale de la propriété », loc. cit., p. 419 et s.
15. F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, Paris, Dalloz, 2014, p. 697 et s. ; pour une
synthèse sur l'analyse du démembrement de propriété en droit français contemporain, voir :
L. Pfister, « Propriété démembrée », in : Dictionnaire des biens communs, éd. M. Cornu,
F. Orsi et J. Rochfeld, Paris, PUF, 2017 (Quadrige), p. 964-969.

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