Contextes - Penser l'ancien droit privé - 204

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CONTRATS ET PROPRIÉTÉ

« démembrement de propriété » envisage le terme « propriété » dans un sens
objectif, pour désigner une chose appropriée. Le démembrement consisterait alors dans le fractionnement juridique d'une chose en plusieurs entités
distinctes qui formerait ainsi à leur tour des choses individualisées. Chacune
de ces choses appartiendrait dès lors à une personne déterminée qui peut
exercer sur elle un pouvoir exclusif.
Ces entités correspondent aux différents éléments concrets et abstraits
qui constituent originellement la chose démembrée. Un fonds est ainsi
formé d'éléments principalement concrets, tels les ensembles sédimentaires correspondant au sol, une construction ou encore une plantation.
Il est également composé d'éléments principalement abstraits, tels sa
qualité à permettre différents usages, sa qualité à supporter un édifice, sa
qualité à produire des fruits civils ou naturels, ou encore sa qualité à être
échangée24. En droit français positif, les éléments concrets constituant le
fonds peuvent être juridiquement dissociés pour être soumis à des droits de
propriété distincts. Telle est notamment l'hypothèse du droit de superficie
dans laquelle le fonds a été fractionné afin que le sol et la construction qu'il
supporte forment deux choses distinctes25.
Il est alors possible d'admettre que les éléments abstraits du fonds
puissent également faire l'objet d'une telle dissociation. La constitution
d'usufruit pourrait ainsi être envisagée comme la dissociation de la substance de la chose d'une part, et de ses qualités à être utilisée et à produire
des fruits d'autre part. La chose qu'est la substance appartient ainsi au
nu-propriétaire qui ne peut exercer sur elle qu'une faculté de disposer.
Le nu-propriétaire ne dispose en effet d'aucune prérogative d'user ou de
jouir, puisque, par la fiction juridique qu'est le démembrement, la substance est désormais une chose sans usage et sans fruits. Étant la seule
prérogative à pouvoir être exercée sur la substance, la faculté de disposer
est toutefois constitutive d'un pouvoir exclusif. L'usage et les fruits qui
constituent désormais une chose individualisée sont quant à eux attribués
24. Sur cette conception suivant laquelle chaque prérogative du propriétaire correspond
à un élément objectif de la chose qu'il est possible de dissocier de celle-ci, voir pour le
droit romain : M. Villey, « L'idée de droit subjectif et les systèmes juridiques romains »,
RHD, t. 24-25, 1946-47, p. 201-228 ; contra : G. Pugliese, « "Res corporales", "res incorporales" e il problema del diritto soggettivo », in : Studi in onore di Vincenzo Arangio-Ruiz :
nel XLV anno del suo insegnamento, Naples, Jovene, 1953, t. III, p. 223 et s. ; pour le
droit français contemporain, voir : W. Dross, « Une approche structurale de la propriété »,
loc. cit., p. 419 et s.
25. Sur cette question voir parmi bien d'autres : J.-P. Marty, La dissociation juridique de
l'immeuble : contribution à l'étude de droit de superficie, Paris, LGDJ, 1979 (Bibliothèque
de droit privé, t. 155) ; J.-P. Bertrel, « L'accession artificielle immobilière. Contribution
à la définition de la nature juridique du droit de superficie », RTD civ. 1994, p. 737-775 ;
J.-C. Chaput et S. Rochegude, « De la notion de droit de superficie à celle de volume
immobilier », Defrénois 2007, p. 573 et s.

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