Contextes - Penser l'ancien droit privé - 206

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CONTRATS ET PROPRIÉTÉ

B. La perpétuité de la chose
1. Les contours de la perpétuité
Dans le langage juridique contemporain, le terme « perpétuité » est principalement employé suivant deux acceptions distinctes30. La perpétuité
caractérise tout d'abord ce qui est destiné à ne s'éteindre qu'avec la mort
de la personne concernée. Il en est ainsi de l'engagement perpétuel visé
à l'article 1780 du Code civil. La perpétuité constitue également le caractère
de ce qui est établi pour une durée illimitée qui dépasse généralement celle
de la vie humaine, mais dont la fin, quoiqu'hypothétique, n'est pas exclue.
Qualifiée de perpétuelle, la concession funéraire est ainsi en principe sans
limitation de durée, mais peut être remise en cause après que la sépulture
a été abandonnée par la famille31.
Dans la définition du métaconcept - comme dans la majorité des descriptions de la propriété offertes par la doctrine juridique contemporaine - la
perpétuité est envisagée dans sa seconde acception. Les auteurs attribuent
toutefois généralement le caractère perpétuel à la propriété elle-même32,
plutôt qu'à son objet. La propriété est en effet envisagée comme un droit
dont l'existence continue ne s'achève qu'avec la survenance d'un évènement
incertain, tel que la disparition de la chose. Envisager une propriété perpétuelle oblige à reconnaître la possibilité de sa transmission. Le transfert
doit alors être réalisé au moyen d'une faculté de disposition nécessairement extérieure à la propriété33. Cette faculté est toutefois envisagée par
le métaconcept de propriété, comme un pouvoir qui, lorsqu'il existe, est
nécessairement compris dans le droit de propriété pour s'exercer uniquement sur la chose. Parce qu'il est le moyen du transfert, ce droit ne peut en
être également l'objet. Partant, la propriété s'éteint nécessairement avec le
transfert de la chose ou du titre, alors qu'un nouveau droit subjectif naît
au profit de l'acquéreur.
Dans cette perspective, la chose est le seul élément de la définition
susceptible de perpétuité. Pour satisfaire à cette condition, la durée de
30. Déjà à Rome, l'adjectif « perpetuus » est susceptible de qualifier « une continuation
indéterminée mais dont la fin n'est pas exclue », mais également une durée dont la fin,
quoique certaine, n'a pas de date déterminée : E. Chevreau, Le temps et le droit : la réponse
de Rome, l'approche du droit privé, Paris, De Boccard, 2006 (Romanité et modernité du
droit), p. 38 ; sur la polysémie du terme en droit français contemporain, voir : Vocabulaire
juridique, V° « Perpétuel » (éd. G. Cornu, Paris, PUF, 2007 [Quadrige], p. 678).
31. Code général des collectivités territoriales, art. L. 2223-14.
32. G. de Vareilles-Sommières, « La définition et la notion juridique de propriété », loc. cit.,
p. 456 ; J. Carbonnier, Droit civil, t. II, Les biens. Les obligations, Paris, PUF, 2004, p. 1642 ;
F. Danos, Propriété, possession et opposabilité, op. cit., p. 45 ; F. Terré et P. Simpler, Droit
civil. Les biens, Paris, Dalloz, 2014, p. 154.
33. Voir supra les développements relatifs à la perte de l'exclusivité par le démembrement.
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