Contextes - Penser l'ancien droit privé - 210

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CONTRATS ET PROPRIÉTÉ

essor39, et d'un droit romain en pleine renaissance40. Plutôt qu'un système,
ce droit qualifié de jus commune41 forme davantage un ensemble, constitué
en grande partie de constructions doctrinales. La nature de ce droit
éminemment scolastique confère ainsi à son étude, un caractère particulièrement délicat.
La diversité des courants de pensée, des sources et des méthodes rend
d'abord nécessaire l'analyse des conceptions propres à chaque auteur et
des controverses entre écoles42. Cette approche visant à prévenir toute
dénaturation de l'opinion de ces juristes permet en outre d'éviter tout
anachronisme conceptuel. Le droit romano-canonique repose en effet sur
de véritables concepts forgés, pour la plupart, à partir d'un vocabulaire
romain auquel les juristes de l'époque ont accès par les compilations de
Justinien43. Ces concepts doivent alors être distingués des concepts contemporains, malgré le lien de filiation qui est susceptible de les unir. Bien
que certains concepts médiévaux et contemporains puissent envisager des
phénomènes identiques ou comparables, leurs approches sont généralement
distinctes. Les concepts romano-canoniques de jus in re et de dominium
notamment ne sont ainsi pas analogues aux concepts contemporains de
droit réel et de propriété.
L'anachronisme des concepts conduit en revanche à une assimilation
du dominium romano-canonique à la propriété contemporaine. Cette
Laterza, 2006 ; M. Bellomo, L'Europa del diritto comune, 8e éd., Roma, il Cigno Galileo
Galilei, 1998, p. 67-89 ; M. H. Hoeflich et J. M. Grabher, « The establishment of normative
legal texts : the beginnings of the Ius commune », in : The history of medieval canon law
in the classical period, 1140-1234. From Gratian to the decretals of pope Gregory IX, éd.
W. Hartmann et K. Pennington, Washington, The catholic university of America press,
2008, p. 1-21.
39. J. Gaudemet, Église et cité. Histoire du droit canonique, Paris, Cerf - Montchrétien,
1994, p. 375-407.
40. Sur cette question, voir : E. Cortese, Il renascimento giuridico medievale, Roma,
Bulzoni, 1992 ; B. Paradisi, « La renaissance du droit romain entre Italie et France », in : Le
droit romain et sa réception en Europe. Actes du colloque organisé par la faculté de droit et
d'administration de l'université de Varsovie, Varsovie, Université de Varsovie - Faculté de
droit et d'administration, 1978 ; réimpr. in : Id., Studi sul medioevo giuridico, Roma, Nella
sede dell'Istituto, 1987, t. II, p. 695-709 ; W. P. Müller, « The recovery of Justinian's Digest
in the Middle Ages », Bulletin of medieval canon law, t. 20, 1990, p. 1-29.
41. Cette expression fait aujourd'hui l'objet de nombreuses controverses, il est toutefois
admis que le droit romano-canonique constitue un droit commun au moins dans la science
juridique médiévale : J.-L. Halpérin, « L'approche historique et la problématique du jus
commune », Revue internationale de droit comparé, t. 52/4, 2000, p. 727.
42. P. Legendre, « Le droit romain, modèle et langage. De la signification de l'Utrumque
Ius », in : Études d'histoire du droit canonique dédiées à Gabriel Le Bras, Paris, Sirey, 1965,
t. II, p. 929.
43. P. Legendre, Leçon IX. L'autre bible de l'Occident : le Monument romano-canonique.
Étude sur l'architecture dogmatique des sociétés, Paris, Fayard, 2009, p. 161 et s.
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