Contextes - Penser l'ancien droit privé - 213

LE MÉTACONCEPT DE PROPRIÉTÉ

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reconnaissent également dans certaines pratiques propres à leur époque,
des hypothèses de duplicité du dominium sur une chose. Le fief notamment serait ainsi l'objet du domaine direct du seigneur et du domaine utile
du vassal53. La majorité des auteurs rejettent en revanche l'attribution d'un
quelconque dominium à l'usufruitier54, au motif que ce dernier dispose
seulement de l'action confessoire, laquelle porte nécessairement sur une
servitude55. Or, la doctrine médiévale oppose généralement les servitudes
et les différents dominia56.
Ces différents concepts peuvent alors apparaître extrêmement complexes
à saisir au non-spécialiste. Dans un souci de simplification, l'analyse
des différents concepts médiévaux se rapportant aux rapports entre les
personnes et les choses peut alors être complétée par un recours au métaconcept de propriété. La comparaison qu'il permet entre les institutions
53. Bien que les hypothèses dans lesquelles une action réelle utile est attribuée par le
droit romain aient permis la construction du dominium utile, ce concept aurait été initialement forgée pour décrire l'emprise du vassal sur le fief : R. Feenstra, « Dominium utile est
chimæra... », loc. cit., p. 386 ; Id., « Les origines du dominium utile chez les Glossateurs »,
loc. cit., p. 69-85 [p. 235-251] ; la doctrine médiévale reconnaît également un dominium utile,
au bénéficiaire de la concession livellaire ou de précaire : Baldus, Com. ad C., 4, 66, De jure
emphyteusis, n° 1 : « Sex dicitur esse contractus, ex quibus transfertur dominium utile, et non
directum, sicut contractus superficiarius, contractus locationis ad longum tempus, contractus
emphyteuticus, contractus qui dicitur precaria in genere feminino, contractus livellarius et
contractus feudalis » (In quartam et quintum Codicis librum, Venetiis, 1599, réimpr. anast.,
Goldbach, 2004, fol. 143rb).
54. P. Grossi, « "Dominia" e "servitutes"... », in : Id., Il dominio e le cose..., op. cit.,
p. 62 ; Pierre Masson affirme toutefois que dans l'œuvre des commentateurs, l'usufruit
tend à devenir un domaine utile : P. Masson, Contribution à l'étude des rapports de la
propriété et de l'usufruit chez les romanistes du Moyen Âge et dans le droit français, Thèse
droit, Dijon, 1933, p. 89-112.
55. Sur l'action confessoire en droit romain, voir : P. F. Girard, Manuel élémentaire de
droit romain, rééd. J.-P. Lévy, Paris, Dalloz, 2003, p. 405-406.
56. Accursius, Gl. ord. ad D., 8, 1, 3, Vis In solo : « Sed certe non est servitus quam habet
superficiarius, sed dominium utile ipsius superficiei quod est contrarium servituti, cum sua
res nemini serviat, ut infra, titulo i, In re communi [D., 8, 2, 26] » (Glossa ordinaria in
Digestum vetus, Venetiis, 1488, réimpr. anast., Augustæ Taurinorum, 1969 [CGJC, t. VII],
fol. 148va) ; Bartolus, Com. ad D., 39, 2, 9, 4, Sive autem corpus (In primam Digesti novi
partem commentaria, éd. cit., fol. 32ra) ; de nombreux commentateurs soutiennent toutefois que l'objet des prérogatives du dominus utilis a la substance d'une servitude sans en
avoir la qualité : Jason de Mayno, Com. ad D., 30, [1], 86, 4, Valet legatum, n° 1 : « In texto,
ibi "ut hac servitute", large loquitur textus, secundum Pet[rum de Bellapertica], Dyn[um
Mugellanus], Bald[um], [Alexandrum Tartagnus de] Imo[la], Raph[ælem Cumanus],
Pau[lum] de Cast[ro] et Flo[rentinum], quod superficies sit servitus, nam non est qualitas,
sed substantia [...] et sic superficies non est proprie servitus, sed utile dominium, et sic est
quasi servitus ; nam utile dominium se habet ad directum instar servitutis quia per ipsum
incommodatur directum, sicut incommodatur proprietas per servitutem. [...] Superficies non
sit proprie servitus, comprobat subtiliter Raph[æl] Cum[anus], per duo » (Commentaria in
secundam partem Infortiati, in : Commentaria omnia in Corpus juris civilis, Venetiis, 1598,
réimpr. anast., Stockstadt am Main, 2008, t. IV, fol. 121va).
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