Contextes - Penser l'ancien droit privé - 50

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RAPPORT(S) AU TEMPS

législatifs, soit pour renseigner le décideur, en amont, sur l'état des mœurs
et de l'opinion publique, soit, en aval de l'édiction des textes, sur le niveau
de leur réception par leurs destinataires ?
De la très abondante littérature consacrée à ces échanges il est possible
de dégager certains enseignements. Tout d'abord une clarification concernant la nature et le projet de ces confrontations. Dans la majorité des cas, il
faut le reconnaître, elles se limitent ou se ramènent à une simple multi- ou
pluri-disciplinarité, qui n'est autre que la juxtaposition de perspectives
distinctes à propos d'un objet qui, produit de perspectives différentes,
n'a évidemment de commun que le nom. On renoue ici avec le compartimentage et le dialogue de sourds déjà rencontré ; si néanmoins une des
disciplines prétend dire le vrai sur cet objet, usant en quelque sorte d'un
prétendu passe-partout, ce sera au prix du forçage de bien des portes et
des serrures, où l'on retrouve l'anachronisme des concepts, et l'arrogance,
souvent inconsciente, d'une discipline qui s'imagine épuiser le sens des
phénomènes qu'elle étudie.
Un deuxième cas de figure, que je ne mentionne que pour mémoire, tant
il est exceptionnel, est celui de la transdisciplinarité, ou fusion des savoirs,
dans l'ivresse de la création d'une prétendue discipline nouvelle, gagnée
le plus souvent dans le bradage ou l'ignorance des exigences propres des
disciplines de départ. Entre les deux, l'interdisciplinarité que je conçois
comme un patient dialogue traductif, chaque partenaire continuant à parler
sa langue disciplinaire, mais intégrant à la marge les interpellations de l'autre
discipline7. Ce dialogue coopératif, qui progresse par essais et erreurs,
résulte d'une pratique délicate, sans cesse menacée de retomber, soit dans
la simple juxtaposition multidisciplinaire (dans ce cas, l'échange tourne
court, chacun en revient à ses objets familiers), soit dans l'hégémonie et
la surdétermination, chaque fois qu'une discipline, se plaçant au cœur du
dispositif, dicte les questions de recherche (suggérant ainsi les réponses), et
prétend avoir à la fois le premier et le dernier mot - c'est le cas du juriste
convoquant le savoir psychologique au tribunal, ou du législateur mobilisant la sociologie législative la veille de l'adoption d'un texte.
Des garde-fous existent cependant en vue de tenter de se préserver de
ces travers. Le travail en équipes mixtes de recherche rapprochant juristes
et économistes, ou historiens, ou sociologues est une première garantie.
L'encouragement systématique des formations bi-disciplinaires en est une
deuxième : si l'histoire du droit était confiée à des chercheurs ayant suivi
le double cursus universitaire, avec une thèse présentable dans les deux
Facultés, il y a gros à parier que les problèmes qui nous occupent seraient
7. Sur ces distinctions, cf. F. Ost, v. « science du droit », Dictionnaire encyclopédique de
théorie et de sociologie du droit, dir. A.-J. Arnaud et alii, Pari, LGDJ, 1993, p. 540 s.
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