Contextes - Penser l'ancien droit privé - 70

POINTS DE VUE « PRIVATISTES »

qu'ils datent tout au plus du code civil ou à la rigueur de Domat, Bourjon et
Pothier. Face à un code tout neuf et de surcroît concis, les exégètes puisent
dans ce réservoir, puis dégagent par induction des principes à caractère
général et qui leur permettront ensuite, dans une démarche inverse de la
précédente, de descendre du principe vers la solution par voie de déduction.
Méthode qui s'ébauche tout au long du xixe siècle pour être enfin théorisée
par l'École scientifique à la charnière du xxe siècle.
Ainsi le principe de la continuation de la personne du défunt a grande
allure, mais n'offre aucune pertinence dans l'ancien droit. Quant à la
prohibition de l'enrichissement injuste, proclamée en 1892 par la Cour
de cassation, elle a été suggérée par Aubry et Rau qui l'avaient induite
à partir de l'article 1235 du code civil (aujourd'hui article 1302) prescrivant
la répétition de l'indu. De nos jours elle sert surtout, quand des concubins
se séparent, à partager les biens qu'ils ont acquis en commun, compte
tenu de leurs prestations de logement ou professionnelles... Et comment
ne pas rappeler que les mêmes Aubry et Rau ont inventé en se fondant
sur Zachariae la notion de patrimoine qui, à défaut de valeur scientifique,
a été portée aux nues par leur prestige personnel ? Le principe que toute
personne a un patrimoine et un seul, le principe d'unité du patrimoine ne
sont que des abstractions d'ailleurs dévorées par leurs exceptions. Mais ils
ont encore de l'avenir en France...

b. Des principes d'avenir
Les « immortels » principes de 1789 sont récents. En outre ils intéressent principalement le droit public, si l'on excepte l'affirmation du droit
de propriété et l'encadrement de l'expropriation. Tout de même je me
suis laissé dire que les Capétiens achetaient, mais n'expropriaient pas. Il
appartiendrait aux historiens de vérifier l'existence de cette implicite loi
fondamentale du Royaume...
Plus généralement certains principes récents qui paraissent destinés à un
grand avenir ont pu avoir, à défaut d'une atemporalité proprement dite, des
prodromes plus ou moins lointains : une flammèche vacillante qui grandit
jusqu'à devenir une éclatante lueur. En voici deux exemples.
Premier exemple : le principe d'indisponibilité du corps humain et son
corollaire, le respect de la personne humaine. Bien entendu l'esclavage n'a
été prohibé qu'en 1848 et son diminutif, le servage, avait duré pendant
des siècles. Mais est-on bien sûr que l'idée de respecter la personne humaine
ne cheminait pas depuis longtemps, quitte à ce que les juristes fissent de la
corde raide pour le concilier avec des pratiques pour le moins fâcheuses ?
J'ai souvenir d'un passage fort embrouillé de Pothier sur l'esclave, dont
je n'ai malheureusement pas retrouvé la référence. La lente maturation

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