Contextes - Penser l'ancien droit privé - 73

L'ATEMPORALITÉ ET L'AUTONOMIE

En tout cas il faut éliminer le principe da mihi factum, dabo tibi jus, qui
lié à la division en deux phases du procès romain, n'a plus de pertinence
de nos jours : entre « accorder un droit d'agir » (ce que nous appellerions
un droit subjectif) et « dire le droit » (objectif), le sens n'est plus du tout
le même.

2. Des principes de droit de la famille
On peut les considérer comme des principes fondateurs de notre civilisation, même si leur application a évolué : je pense à la prohibition de l'inceste
ou du mariage polygamique. Ainsi, l'interdiction de l'inceste a varié dans
ses sanctions comme dans son étendue. Sous l'influence de l'Église, l'ancien
droit avait une conception extrêmement large des empêchements à mariage.
Mais bien entendu le tabou survit et suscite la question récurrente du statut
qu'il convient de donner à l'enfant incestueux, le tout méritant peut-être
une étude diachronique.
À plus forte raison cette étude s'imposerait pour la monogamie.
Contrairement à l'hétérosexualité du mariage, qui a fini par céder mais
tardivement tout de même, nul n'envisage qu'un législateur du futur puisse
revenir sur le dogme du mariage monogamique. S'il devait y avoir une
évolution, ce serait plutôt ailleurs et en sens inverse puisque la Turquie ou
la Tunisie, bien que pays musulmans, ont prohibé la polygamie. On notera
que certains auteurs avaient parlé de « polygamie successive » lorsque le
père fut autorisé à légitimer son enfant adultérin ou, dans un deuxième
temps, à le reconnaître tout en restant marié. Cette exagération n'a aucun
sens, car ce qui caractérise la polygamie est la communauté de toit et l'égalité entre toutes les épouses, de sorte que la prétendue polygamie successive
fera figure d'oxymoron. Ce qui reste vrai, c'est que la force du principe
occidental a évolué dans le temps. Le mariage tel que nous le pratiquons
connaît sa plénitude quand il est indissoluble, mais perd de son lustre
à partir du moment où le divorce entre dans les mœurs et où la loi en
facilite l'obtention.
Évoquons un instant le principe de la liberté du mariage (sous-entendu
pour les majeurs) : à Rome, il ne s'applique qu'aux sui juris. En effet les
alieni juris doivent obtenir le consentement du paterfamilias, quoiqu'avec
d'importants correctifs apparus sous l'Empire. Au Moyen Âge, le Décret
de Gratien exige d'une manière absolue l'autorisation paternelle avant que
les canonistes ne fassent adopter par le concile de Trente cette solution que
le mariage n'est pas nul en l'absence de consentement familial. Toutefois
en France, les édits royaux requièrent le consentement des parents jusqu'à
vingt-cinq ans (pour les filles) et trente ans (pour les garçons). Les comédies
de Molière - mais ont-elles une valeur sociologique ? - mettent en scène

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