Bibliothèque de droit public - Tome 300 - Nationaux et étrangers en droit public français - 135

UNE DÉTERMINATION HÉSITANTE DES CRITÈRES DE LA NATIONALITÉ

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déterminée79. Par conséquent, si la Cour entend rééquilibrer les rapports entre les
intérêts individuels et ceux de l'État en matière de nationalité en revalorisant les
premiers face aux seconds, elle ne remet pas véritablement en cause la conception
de la nationalité comme matière intimement liée à la souveraineté et n'élabore
donc pas de droit de l'homme à la nationalité80. La reconnaissance d'un tel droit
n'est certes pas exclue, mais elle ne peut résulter d'une interprétation de la Convention dans la mesure où celle-ci l'a délibérément exclue de son champ. Pour se voir
reconnaître, ce droit devra figurer expressément dans la Convention, à travers par
exemple l'ajout d'un protocole, ce qui suppose une reconstruction majeure du
droit de la nationalité et du rapport de la Convention européenne des droits de
l'Homme à cette matière81.
177. À l'issue de cet examen des articles de la Convention européenne des
droits de l'homme et plus généralement des textes internationaux de protection
des droits de l'homme, nous constatons que la place des droits de l'homme dans
la détermination de la nationalité et de ses effets est actuellement en évolution.
Au-delà des ingérences directes, les normes internationales relatives aux
droits de l'homme peuvent s'immiscer de manière indirecte, « presque subreptice »82, dans le droit de la nationalité. Ainsi, même si la france n'a pas ratifié la
plupart des conventions relatives à la nationalité elle-même, son statut d'État partie à la Convention européenne des droits de l'homme ainsi qu'à d'autres conventions internationales relatives aux droits de l'homme expose son droit interne de
la nationalité à l'influence du droit international et européen. C'est donc de façon
indirecte que le droit public interne de la nationalité est amené à évoluer.
Dans les textes tant de droit international que de droit européen, une évolution vers la remise en cause du principe traditionnel de détermination souveraine
de la nationalité semble lancée. La pratique du Comité des droits de l'homme des
Nations-Unies en fournit une bonne illustration.
En effet, en se prononçant sur le respect de l'article 12 (4) du Pacte relatif aux
droits civils et politiques83, il vérifie si le requérant n'a pas été empêché abusivement d'acquérir la nationalité de l'État défendeur. Ceci signifie que le pays d'immigration en l'espèce se voit interdire d'établir des obstacles déraisonnables à
l'acquisition de la nationalité par les nouveaux immigrants. Dans le contentieux
européen des droits de l'homme, certains requérants ont même tenté, jusqu'alors
sans succès, de faire reconnaître à travers l'article 3 du Protocole n° 4 additionnel
79. CEDH, 11 oct. 2011, précité, §30.
80. f. marchadier estime ainsi dans son étude l'arrêt qu'il « n'y a pas de raison obljective de
remettre en cause cette affirmation ou de croire que la Cour dissimule ses intentions. Lorsque la Cour
précise qu'un droit ne figure pas dans la Convention, elle ne varie pas », in « L'attribution de la
nationalité à l'épreuve de la Convention européenne des droits de l'homme. Réflexions à partir de
l'arrêt Genovese c/ Malte », précité.
81. Une telle approche semble confirmée par la Cour de Cassation qui, dans un arrêt du 14 mars
2012, répond indirectement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en
affirmant que « les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ne peuvent
faire échec au droit qu'a chaque État de déterminer les conditions d'accès à la nationalité » : C. cass.,
14 mars 2012, n° 11-15.290. Pour une étude de l'arrêt : f. marchadier, « Discrimination et
détermination des nationaux », Rev. crit. DIP, 2012, p. 553.
82. j.-f. flauss, « L'influence du droit international des droits de l'homme sur la nationalité », in
Perspectives du droit public. Études offertes à J.- C. Hélin, Litec, 2004, p. 285.
83. « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays ».

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